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L’écologie sociale pour vaincre l’islamisme

jeudi 17 septembre 2015, par Pierre Bance

Des bombardements approximatifs pas plus qu’un déploiement de troupes au sol ne viendront à bout de Daech, Al-Qaida, Boko Haram et autres obscurantistes. Ces organisations ne sont pas qu’un ramassis de croyants sanguinaires, d’ignares convertis, c’est aussi un mouvement social, bâti autour d’une idée politique, d’un projet collectif. Une Internationale de miséreux, d’exploités, d’humiliés qui voient dans le déferlement brutal des djihadistes un avenir qui, s’il n’est pas radieux, sera toujours préférable à leur condition présente ou au modèle occidental. Comment expliquer autrement cette ténacité face aux coalitions surarmées ? Aussi, plutôt que mener une guerre (de civilisations ?), ne serait-il pas préférable d’engager le combat des idées ? Penser un projet de société alternatif qui emporte l’adhésion du plus grand nombre.

S’il est un sujet qui peut tous nous réunir c’est l’écologie parce que la vie sur terre est notre bien commun le plus précieux et qu’il est en danger. Que les auteurs du péril sont une minorité d’hommes qui exploitent d’autres hommes pour mieux dominer la nature à leur seul profit. Les « grands » de ce monde se réuniront à Paris en décembre sous les auspices des Nations unies pour se pencher sur les changements climatiques. Leur but n’est pas de mettre fin à la destruction des richesses naturelles, il est de fixer les limites à ne pas franchir pour continuer le pillage sans verser dans le néant. Par sa raison d’être, le profit marchand, et par le vecteur de celui-ci, la croissance irraisonnée, le capitalisme est incapable de devenir éco-capitalisme ou capitalisme vert. Face à ce crime contre l’humanité, les citoyens de la terre qui veulent vivre en paix, partager décemment les richesses de la nature, travailler pour produire utilement, s’instruire, créer, faire avancer l’homme en tous domaines en respectant la biosphère et les paysages, ne peuvent-ils, eux aussi, se retrouver, constituer la force qui mettra fin à la folie mercantile tout aussi destructrice que la folie terroriste ?

Comme un signe de l’histoire, le message d’espoir vient du cœur même de la bataille. Là-bas, aux confins de la Turquie et dans le Rojava syrien, un mouvement kurde se revendique du « confédéralisme démocratique ». Théorisée par le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, cette doctrine est inspirée des travaux du philosophe américain Murray Bookchin (1921-2006), fondateur de l’écologie sociale et concepteur de sa dimension politique, le municipalisme libertaire. Elle propose, pour vivre en harmonie avec la nature, de rejeter le productivisme dévastateur, de se réunir en communes libres autogérées, de fédérer les communes sans frontières.

Si les unités kurdes de Syrie remportent des victoires, si les organisations kurdes de Turquie s’insinuent dans le jeu politique, affolent le président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, et prennent le contrôle de la plupart des municipalités du Kurdistan, c’est parce qu’elles se battent pour une idée, une société radicalement différente des solutions islamiste ou nationaliste. En lutte, en guerre, hommes et femmes parlent de ce monde en paix où l’État n’aura plus de raison d’être parce que les assemblées populaires locales et confédérées prendront les décisions et les feront exécuter sous leur seul contrôle. Un monde où les minorités sexuelles, ethniques, religieuses ne seront pas seulement protégées mais associées, un monde où la femme sera l’égale de l’homme, deux ambitions en voie de réalisation dans les communes kurdes de Turquie et chez les combattants de Syrie. Ce n’est pas rien en pays musulman !

Entendrons-nous leur message ? Il appelle chaque communauté à prendre en main son destin en réponse à l’islamisme et au capitalisme. À l’orée du 21e siècle les Zapatistes du Chiapas ouvrirent la voie, partout de grands ou de petits foyers de résistance, comme les zones à défendre (ZAD) en France, se constituent. Avec eux, il faut réfléchir à comment sauver notre planète, à comment faire vivre ensemble des autonomies plurielles, à comment en finir avec les hiérarchies fondées sur la force, avec l’aliénation marchande fondée sur l’argent, avec les injustices fondées sur la différence.

Nous ne viendrons à bout de la terreur des intégristes religieux, du machiavélisme des politiques, du ravage des capitalistes que par l’Idée d’un autre futur libertaire, écologique, autogéré, fédéral où, par l’émancipation, l’on tentera la solidarité, l’égalité et la liberté.


Texte libre de droits avec mention de l’auteur : Pierre Bance, et de la source : Autre futur.net, espace d’échanges pour un syndicalisme de base, de lutte, autogestionnaire, anarcho-syndicaliste, syndicaliste révolutionnaire (www.autrefutur.net).