Dans cette série documentaire (à voir depuis le 25 janvier sur Arte.tv, à partir du 1er février sur Arte), dont le titre renvoie à un ouvrage de Joseph Conrad, le cinéaste haïtien Raoul Peck [1] retrace d’un point de vue non occidental l’histoire du colonialisme et de l’esclavagisme. Il offre au passage une saisissante réflexion sur la nature de la vérité, applaudie aux États-Unis par les titres de presse les plus renommés.
Depuis l’époque des croisades jusqu’à la présidence de Donald Trump, en passant entre autres par la conquête des Amériques, la traite des Noirs, la colonisation belge du Congo, la Shoah ou encore les bombardements de Hiroshima et Nagasaki, le cinéaste interroge l’histoire des derniers siècles telle que les Occidentaux aiment se la raconter.
“La série est un réquisitoire implacable contre le racisme, le génocide, le colonialisme, les déprédations du capitalisme impérialiste et post-impérialiste”, résume The Nation (une publication qui a pour originalité d’avoir été fondée par des abolitionnistes en 1865). Raoul Peck “interprète l’histoire comme le récit des événements par les vainqueurs, et considère la mythologie nationale américaine comme une fiction fondée sur un racisme assumé”, décrypte de son côté The New Yorker.
En quatre épisodes, et en s’appuyant sur les livres de Sven Lindqvist, Roxanne Dunbar-Ortiz et Michel-Rolph Trouillot, le cinéaste déconstruit la fabrication et les silences de l’histoire, cette Histoire dont l’Occident a constamment tordu les réalités.
Il met à jour, sans compromis, l’idéologie du suprémacisme blanc et du racisme, obligeant le spectateur à repenser sa propre histoire intime et officielle.
– Épisode 1 : La troublante conviction de l’ignorance
Raoul Peck nous éclaire sur les liens entre les courants génocidaires et l’établissement d’une hiérarchisation raciale à travers l’histoire de l’Europe. Partant de l’origine coloniale des États-Unis d’Amérique, il montre comment la notion de race a pu acquérir son statut institutionnel, comment elle s’est plus tard incarnée dans la solution finale du programme nazi de la destruction des juifs d’Europe et comment le même esprit prédateur a accompagné le pillage du continent africain.
– Épisode 2 : P*** de Christophe Colomb !
En réexaminant l’histoire officielle des découvertes de Christophe Colomb et de l’extermination des nations amérindiennes d’Amériques, Raoul Peck décrypte comment cette histoire a été modelée par ceux qui détiennent le pouvoir puis figée par le mythe et la culture populaire. Il analyse l’émergence de la « doctrine de la découverte » qui va changer la face du monde et justifiera, entre autres, la mise en esclavage de millions d’Africains.
– Épisode 3 : Tuer à distance
En analysant parallèlement les flux des grandes migrations humaines et ceux du développement du commerce et de l’armement, la série démontre comment le développement de l’industrie de l’acier a permis à l’Europe de mener des guerres de plus en plus lointaines et de créer un cycle sans fin de militarisation, de conquêtes territoriales et de guerres. De George Washington, à la doctrine Monroe, jusqu’aux atrocités d’Hiroshima et de Nagasaki, les États-Unis vont s’ériger comme les gendarmes du monde.
– Épisode 4 : Les belles couleurs du fascisme
Dans ce dernier épisode, Raoul Peck examine l’impossibilité fondamentale pour les États-Unis de pouvoir réconcilier sa véritable histoire avec ses idéaux de liberté et de démocratie. Il démonte les mécanismes de l’annihilation amérindienne et de l’héritage esclavagiste qui constituent les fondations du racisme institutionnel d’aujourd’hui, et montre comment la représentation historique de cet héritage est un élément clé de toute lutte émancipatrice.