Et le capital occidental est prêt à la lâcher [1]
Nous nous heurtons à plusieurs difficultés pour analyser les évènements historiques en cours en Ukraine [2]. Il nous a donc semblé utile de rappeler quelques faits documentés en commençant par dire ceci : en Ukraine, la situation de la population est tragique et ce serait une grave erreur de croire que la guerre qu’elle affronte seule dans sa chair, ne nous concerne pas ou ne nous concernera pas d’une manière plus brûlante.
La guerre actuelle a débuté en 2014
L’invasion de l’Ukraine puis l’annexion de la Crimée par l’armée de Poutine, débutées en 2014, avaient déjà fait entre quatorze et dix-huit mille morts à la fin 2021. Mais, durant les huit années passées, peu s’en sont souciés : c’était loin dans les profondeurs d’une Europe de l’Est tout juste sortie des griffes du stalinisme – autant dire mal dégrossie, comme ces allemands de l’Est qui sont encore taxés « d’Ossis » – et qui venait d’acquérir son indépendance depuis moins d’une génération.
Il faut dire que la récente mise en service du gazoduc Nord-Stream 1, en 2012, avait commencé à marginaliser l’Ukraine qui fut longtemps le principal pays de transit du gaz (et du pétrole) russe.
Cette position passée lui avait d’ailleurs permis, en 2006 et 2009, d’exiger de meilleures royalties, au grand dam de Gazprom qui en avait stoppé ses livraisons vers l’Occident. Nord-Stream 1, puis le projet Nord Stream 2 allaient faire de l’Allemagne le Hub principal de la distribution gazière russe en Europe. En conséquence, Gazprom reconnaissante, engagea quelques hiérarques européens dont Gerhard Schröder [3] après qu’il eût quitté ses fonctions de chancelier et approuvé les investissements et le tracé du nouveau gazoduc.
C’est ainsi qu’en 2018, tandis que le Donbass et la Crimée étaient sous la botte russe depuis quatre ans, la mise en chantier de Nord Stream 2, fut conçue pour « faciliter les échanges » entre capitalistes russes et européens (Shell, Engie, E.ON allemand, OMV autrichien participèrent au projet), ce qui allait inévitablement accentuer la marginalisation de Kiev, de tous les points de vues ; déjà, les accords de Minsk[ [Ces accords exigeaient que l’Ukraine accorde l’autonomie aux zones de Donetsk et de Louhansk contrôlées par la Russie, tout en leur permettant de participer pleinement au processus politique ukrainien, ce qui aurait créé des leviers russes permanents pour manipuler le système politique ukrainien.]] n’avaient pas abouti, mais au fond, du point de vue du capital européen, il valait mieux continuer à discuter avec Poutine et l’apaiser, c’est-à-dire entériner ses annexions territoriales par la force armée afin de poursuivre les affaires en Russie.
Pour le capital occidental, le « processus de Minsk » finirait par apaiser Poutine et ce genre de « paix » sous la forme d’un cessez-le-feu constamment violé valait mieux qu’une guerre ouverte, nuisible aux affaires avec la Russie [4].
En 2017, les États-unis entrent en scène
Dans cette histoire, le capital états-unien fit irruption car il ne l’entendait pas de cette oreille : il lui fallait préserver les débouchés des son Gaz Naturel Liquéfié issu de la fracturation hydraulique et contrer l’emprise géostratégique de Poutine sur le territoire européen [5] après celle, en cours, des « nouvelles routes de la soie ». Grâce à l’extra-territorialité de ses lois et aux menaces, la mise en service de cette seconde ligne de gazoducs fut stoppée, au grand désespoir du capital allemand, hurlant sur tous les tons qu’il s’agissait-là d’une « immixtion inacceptable dans les affaires intérieures de l’Allemagne » touchant à un « projet strictement privé auquel les Etats-unis ne pouvaient légitimement pas s’opposer », d’autant que le but poursuivi était de « socialiser les russes à travers la poursuite du commerce » (A. Merkel) [6]. Si bien que depuis la fin de l’année 2017, Nord Stream 2 ne pouvait pas être mis en service. En novembre 2020, après son élection, nul ne pouvait donc prédire si, et quand, Biden allait céder. Aux yeux du Kremlin, l’Ukraine redevenait donc une alternative crédible pour ses « transits énergétiques », à condition de s’en assurer le contrôle total ; et si, au passage, il était possible de se saisir de toutes les richesses du pays en quelques jours, alors pourquoi pas ?
Poutine change donc son fusil d’épaule
Soyons plus précis : en Avril 2021, ayant intégré la pérennité du veto états-unien sur le passage du gaz par la mer Baltique, Poutine avait déjà regroupé cent mille hommes aux frontières de l’Ukraine. Il faut bien comprendre qu’une telle décision – politique, administrative, financière et militaire – a du faire l’objet de discussions et que sa mise en œuvre, jusqu’au fin fond de la Sibérie orientale, a nécessairement demandé beaucoup de temps. D’autre part, matériellement parlant, un regroupement militaire de cette taille, réparti sur une aussi longue ligne de front, exige plusieurs mois de préparation puis d’acheminements, car les masses de véhicules, d’armements, de munitions, d’équipements à transporter sont énormes. Comme c’est la première fois qu’une telle armada est mise en branle depuis 1945 (environ cent-soixante-dix mille hommes en février 2022) et que l’on sait maintenant quelles sont les piètres qualités logistiques de cette « armée soviéto-stalinienne », nous pouvons dire sans risque d’erreur que la décision d’invasion de l’Ukraine a été prise en 2020, sans pouvoir dire à quelle date exactement [7]. Les discours idéologiques produits depuis longtemps par les cercles poutiniens et réitérés ad nauseam depuis 2021 ont la fonction de toute idéologie : justifier les actes en cours, ce dont, par paresse, les commentateurs auront été les relais, à défaut de produire une analyse qui vaille.
Le projet poutinien échafaudé à ce moment-là, est d’annexer Kiev en quelques jours, comme ce fut le cas avec la Crimée (c’est du moins ce que lui assurent ses grandes oreilles [8]) afin d’assurer ad vitam aeternam les livraisons énergétiques par lesquelles le Kremlin tiendra en laisse ses débiteurs et s’assurera ainsi une place dans la redistribution mondiale des impérialismes. Il n’y a là rien d’extraordinaire, tous les capitalistes de la planète ont intégré à leur manière les questions écologiques et climatiques : les « ressources énergétiques » et les métaux rares sont ainsi devenus les fondements de toutes les géostratégies impériales.
C’est à partir de là que tous les évènements s’enchaînent : le 21 juillet 2021, lorsque Biden comprend que les troupes russes sont réellement déployées pour envahir l’Ukraine, il renonce aux sanctions contre Nord Stream 2, mais c’est déjà trop tard. Neuf jours auparavant, Poutine a fait paraître un long article justifiant par avance l’annexion de l’Ukraine. Et lorsqu’au mois d’août, les Etats-Unis subissent en Afghanistan une cuisante déculottée – retransmise en direct sur tous les écrans de la planète – Poutine l’interprète comme un feu vert à son intervention, de la même manière qu’il l’avait fait en Syrie, après la reculade d’Obama [9]. Quelques mois plus tard, en décembre, Poutine et Lavrov envoient des propositions de traité et d’accord ultimatistes aux Etats-unis et à l’Otan (les accords de Minsk, l’UE et le format « Normandie » sont explicitement ignorés), propositions dont ils savent qu’elles n’ont aucune chance d’aboutir rapidement. Il s’agit d’une opération médiatico-diplomatique destinée à justifier par avance l’invasion prévue.
Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Plusieurs mois avant le 24 février 2022, les occidentaux connaissaient donc le danger, mais ils auront tout fait pour l’ignorer [10] : ils ne voulaient surtout pas y croire dans le secret espoir que le business continue as usual avec le « partenaire russe ». Et quand l’invasion a débuté, ils ont ardemment prié pour qu’elle se passe vite et « en douceur », comme en Crimée et ont proposé une exfiltration à Zelenski, lequel répondit qu’il n’avait pas besoin d’un taxi, mais d’armes pour résister. Las, cette armada soviétique minée par l’incompétence et une corruption trentenaire a été mise en déroute complète, ce qui fait qu’en avril Poutine a lancé une guerre d’une toute autre nature. Depuis cette date, 8 millions d’ukrainiens ont été forcés de se réfugier à l’étranger, autant de personnes, dont 2 millions d’enfants, ont été déplacés, c’est-à-dire que plus du tiers de la population a été contrainte de quitter ses foyers, ce qui constitue, en si peu de temps, la plus grande crise humanitaire depuis 1945 selon le HCNUR du 28 novembre [11]. Ceux et celles qui restent sur place et ne sont pas mobilisés s’organisent alors, soit dans les brigades territoriales, soit dans toutes sortes de tâches de soutien aux combattants et même en formant des groupes de partisans autonomes, notamment à Melitopol et Kherson. En fait, à travers sa résistance et ses débuts d’auto-organisation, cette population, n’en déplaise à certains, est vraisemblablement en train de se constituer en « peuple » depuis « les Maïdan » de 2004 ou 2014 et depuis les débuts de la guerre totale ; l’avenir nous dira ce qu’il en est. Son niveau de conscience et d’exigence politique dépendra évidemment de la suite des évènements et notamment de sa capacité à défaire le clan Poutine, qu’il ne faut pas confondre avec la Russie, comme beaucoup le font.
Devant cette résistance inattendue et persistante, faute d’une victoire immédiate escomptée et, suivant en cela l’ancienne pratique de l’armée soviétique, l’invasion s’est alors transformée en une guerre d’attrition dans laquelle seule compte, comme au temps du Gosplan, le nombre d’hommes et d’obus consommés sur le front : près de soixante mille tirs par jour [12]. Une guerre qui est rapidement devenue totale et dans laquelle la population ukrainienne allait être entièrement précipitée : les immeubles civils – hôpitaux, crèches, théâtres, supermarchés, cités d’habitations – ont alors été la cible de bombardements massifs [13] et indistincts (surtout la nuit pour ajouter à la peur), avec leurs cortèges d’incendies, de morts et de disparus enfouis sous les décombres. L’attaque contre la population sans autre but que de la terroriser, comme la frappe sur l’hôpital pour enfants et la maternité de Marioupol le 9 mars, puis le bombardement de son théâtre qui a enseveli d’un seul coup 600 personnes dans ses sous-sols et celui de la gare de Kramatorsk le 8 avril, par un vieux missile Tochka-U larguant des sous-munitions, sont quelques exemples de cette furia criminelle. Au début du mois de décembre 2022, des dizaines de milliers de civils ukrainiens sont déjà morts dans cette guerre et un nombre élevé de blessés qui resteront handicapés [14]. Et, comble de l’horreur, après chacun de ses retraits, on a pu constater les destructions volontaires des infrastructures de base, les pièces transformées en salles de tortures, les charniers dans lesquels les corps retrouvés sont ligotés les mains dans le dos, les viols, les pillages à grande échelle et les nombreux crimes de guerre commis par l’armée russe [15]. Dans la rage de ses défaites successives et en réponse aux succès des offensives ukrainiennes, le Kremlin s’est lancé dans une « annexion constitutionnelle » des territoires conquis et une guerre à caractère génocidaire, surtout après le 10 octobre 2022, à la suite du lèse-majesté que constituait l’attaque de nuit par des drones marins [16] du « pont Poutine » et plus encore depuis le 11 novembre, suite à la libération de Kherson. Les habitations, les écoles, les bâtiments administratifs ou commerciaux et la population elle-même a été visée par les missiles hyperbares, les bombes à fragmentation ou au phosphore et les drones des Ayatollahs iraniens. Tout détruire comme à Grozny, Alep ou Marioupol, telle fut et telle est encore la perspective de l’armée soviéto-stalinienne sous les ordres de Poutine. Rayer de la carte des villes entières à défaut d’avoir conquis le pays. Or, la russification des territoires sous le joug du Kremlin, la déportation des personnes et des enfants sont constitutifs d’un acte de génocide au sens de la convention de 1948, laquelle oblige les parties signataires à prévenir et punir les auteurs de tels actes (art. 1er). Mais une fois encore, les gouvernements européens ont fermé les yeux.
Terroriser la population : Nuit et brouillard en plein hiver.
L’aggravation des bombardements met en péril la vie de millions d’adultes et d’enfants à l’approche de l’hiver : ils sont réduits à vivre par intermittence sans eau, sans chauffage, sans électricité, sans communications et à survivre dans les sous-sols quand retentissent les alertes et les explosions. Imagine-t-on ce que cela veut dire et ce qui reste de sa propre vie ou de celle de ses proches au quotidien ? Il y a une manière prosaïque de s’en faire une idée : achetez des bougies et ne serait-ce que pendant 3 jours, coupez le gaz, le chauffage, l’électricité et l’eau courante après avoir fait provision de quelques litres. N’achetez rien à manger (surtout pas des produits frais car, de notoriété publique, la chaîne de froid est devenue aléatoire), faites avec ce qui vous reste à la maison, sans possibilité de cuisson, et lorsque vous entendrez le bruit des sirènes d’alerte pré-enregistrées sur vos téléphones, ne serait-ce qu’une fois par jour ou par nuit, couvrez-vous chaudement, descendez à la cave ou dans le parking souterrain le plus proche et restez-y, ne serait-ce que quelques minutes. Le froid, l’obscurité, le manque d’eau, de nourriture, de médicaments, l’angoisse des enfants ou des parents qui leur restent (les hommes étant sur le front) à l’écoute des nouvelles quand c’est possible, tel est le sort d’une grande partie des Ukrainiens. Poutine pense ainsi mettre le pays à genoux, mais depuis le début du xixe siècle, toutes les tentatives de ce genre ont été mises en échec lorsqu’elles n’étaient pas accompagnées de victoires militaires.
Une extension conventionnelle ou nucléaire de cette guerre ne peut être exclue
Les nombreux crimes de guerre, les appels incessants à l’élimination de la population ukrainienne [17], l’existence d’un système de camps de filtration des adultes et des enfants avant leur déportation[ Rapport de l’Humanitarian Research Lab de la Yale School of Public Health, « Yale researchers identify 21 sites in Donetsk oblast, Ukraine used for civilian interrogation, processing, and detention », 25 August 2022. Par ailleurs, Poutine a signé le 30 mai 2022 un décret « permettant d’octroyer la citoyenneté russe aux orphelins du Donbass ainsi qu’aux enfants privés de soins parentaux », ce qui a grandement facilité une filière de trafic d’enfants.] sont actuellement instruits en tant que crimes contre l’humanité au sens de la convention de 1970. Le responsable de tout cela (et ses complices) devront être jugé par un TPI ad hoc, mais les occidentaux ainsi que les Nations Unies, l’UNICEF ou la Croix Rouge Internationale se gardent bien d’en parler ou de citer leur nom. En outre, chacun sait qu’il s’agit-là, pour la première fois sur le sol européen depuis 1945 d’une guerre inter-étatique de « haute intensité » qui introduit un danger nucléaire multiforme. Mais ce n’est pas tout, elle a aussi un caractère politique : comme il l’a démontré depuis son accession au pouvoir, Poutine n’acceptera jamais ce qu’il considèrerait comme une défaite, à savoir que l’Ukraine retrouve ses frontières et sa souveraineté d’avant 2014 [18]. Comme le notent les commentateurs, il y a là des enjeux « existentiels des deux côtés », ce qui constitue un ferment d’escalade russe plus que probable. Si l’on ajoute à cela que la « ligne de front active » est nettement plus longue que celle du nord de la France en 14-18 et qu’en réalité elle mesure plus de deux mille km – de la mer Baltique à la mer Noire – on aura compris que « les erreurs de tirs » ou des dérapages plus ou moins volontaires peuvent, dans une situation instable qui caractérise toute guerre en cours, avoir des conséquences totalement inattendues et incontrôlables.
Les Etats-unis peuvent, du jour au lendemain et sans aucun état d’âme, sacrifier ce « petit pays » sur l’autel de leur géostratégie mondiale essentiellement tournée vers l’Indo-pacifique. D’ailleurs, depuis le début du mois de novembre, leurs médias laissent opportunément fuiter de plus en plus souvent des appels à la fin de la guerre, tandis que le 14 novembre 2022, le chef de la CIA rencontrait à Ankara son « homologue russe » sans avoir invité l’Ukraine à cette entrevue. Au début de décembre Biden, aussitôt suivi par Macron, se déclarait prêt à « parler avec Poutine » [19].
Mais d’une part, ce lâchage n’invaliderait pas le choix ukrainien d’avoir accepté toutes les armes pour se défendre (comme les mouvements antifranquistes en Espagne et la Résistance en France) qu’elle que fusse leur provenance ; d’autre part, il reste à savoir si les envahisseurs pourraient venir à bout, non seulement de la résistance ukrainienne, mais aussi du renfort des pays voisins qui ont connu le joug stalinien – à savoir les pays Baltes, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie – lesquels furent les premiers, en février et mars 2022, bien avant tous les occidentaux, à livrer des armes et des munitions en Ukraine [20]. À l’inverse, imagines-t-on ce que cela signifierait qu’un pays, une culture soient rayés de la carte et que sa population tombe sous un joug à caractère génocidaire ? Quel avenir cela nous dessinerait-il aussi en Europe ? Croit-on que le clan de Poutine s’en tiendrait là ?
Une défaite de l’Ukraine aurait de graves conséquences
Si l’on voulait résumer un pan de l’histoire en train de se faire (à cette fin, des livres entiers seraient nécessaires pour en cerner tous les aspects) nous pourrions dire que si le clan Poutine voulait assurer un débouché à sa stratégie énergétique en Europe, non seulement il y a définitivement échoué, mais que, ce faisant, il a accru le nombre de membres de l’Otan et s’est diplomatiquement isolé [21] : même la Turquie y regardera à deux fois avant d’accepter le passage de gazoducs russes sur son territoire, d’autant qu’elle ambitionne de devenir elle-même un grand producteur de ressources fossiles… D’où la radicalisation des diatribes de ce clan maffieux [22] contre l’ensemble du monde occidental, dans le retour à une geste anti-impériale stalinienne destinée autant à Zi Jinping qu’à sa propre population.
Notre critique radicale de l’impérialisme russe ne signifie pas que nous soyons dupes des capitalismes occidentaux. Par exemple, en continuant à verser chaque jour après le 24 février plus d’un demi milliard d’euros en échange du charbon, du pétrole et du gaz russes, les européens ont versé – capital allemand en tête – l’équivalent de deux budgets annuels de l’armée russe [23] à la date du 3 décembre 2022 (environ 122,4 Mds €) dont la moitié lors des premières semaines de guerre ! Cette somme est à comparer à l’aide militaire des occidentaux à l’Ukraine qui a représenté 58 Md € à la date du 2 novembre 2022 [24]. Les affaires d’abord, les bons sentiments, on verra par la suite, si c’est possible…
Reste que la défaite de l’Ukraine, l’anéantissement d’un pays, d’une culture, d’une langue, seraient une tragédie pour sa population. En outre, cela se paierait au centuple car les ambitions du clan Poutine ne s’arrêteront pas là. L’alliance qui se dessine entre les ayatollahs iraniens et ce qui était pour eux jusqu’à présent « le grand Satan communiste » nous promet un futur sans avenir, à moins que des deux côtés des révolutions ne chassent les uns et les autres du pouvoir [25], ce qui semble malheureusement peu probable dans l’immédiat en Russie, du fait de l’étau mis en place par Poutine.
Même si nous n’en avons pas fini de dénouer tous les enjeux de cette guerre, les mois qui viennent de s’écouler nous permettent d’en prendre la mesure. Mais démêler cet imbroglio d’intérêts contradictoires reste d’une importance vitale par les temps qui courent : en effet, chaque jour qui passe nous montre à quel point les opinions et ce qui reste de contre-pouvoirs en Europe sont désorientés par des décennies de reculs et d’abandons dans tous les domaines, y compris intellectuels.
Or, comme le démontrent encore récemment les suites de la rencontre Biden-Macron ou les déclarations de Scholz, [26] le capital Occidental est tout à fait prêt à sacrifier la population ukrainienne à son business et au clan Poutine. En outre, un gigantesque basculement dans les ténèbres ne peut être exclu. Tout doit donc être fait pour que l’Ukraine survive et gagne cette guerre de libération anticoloniale, c’est une urgence prioritaire que tout un chacun, à sa manière, devrait faire sienne et porter haut.