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LES LOUPS SONT ENTRÉS EN UKRAINE
Carnet de Guerre #16
lundi 24 juin 2024, par
Un point de vue anti-capitaliste. Première synthèse
- « La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme ». Déclaration des droits de l’Homme de 1793, article 33.
De la méthode
L’époque que nous vivons exige un retour sur investissement et une circulation toujours plus rapides de toutes choses et des êtres, ce qui s’oppose implacablement à la lenteur nécessaire pour l’établissement des faits avec un bon degré de certitude, à la rigueur de leur analyse et encore plus à leur intégration dans l’Histoire contemporaine. Par ailleurs, comme l’Histoire officielle (notamment celle de la Russie) demande à être largement revisitée [1], et que l’élaboration de concepts permettant de reconstruire une théorie critique [2] bégaie, on peut imaginer la montagne de difficultés qui nous attendent.
Les quinze « Carnets de guerre » [3] écrits depuis mars 2022 se sont donc prioritairement attachés à documenter au plus près les prémisses historiques, économiques et idéologiques de la guerre actuelle. Ce travail préparatoire nous a semblé absolument indispensable avant de s’autoriser un quelconque point de vue sur la guerre en Ukraine, hormis celui du soutien inconditionnel à l’autonomie et à l’émancipation de toute population, surtout lorsqu’elle est envahie par une puissance étatique armée. Le droit à la résistance ne se négocie pas. D’autant que la vie de millions d’Ukrainiens [4] a été dévastée jour après jour, nuit après nuit. En temps de déshumanisation algorithmique et généralisée, nous ne dirons jamais assez que toute tentative d’analyse théorique qui ferait abstraction du point de vue humain (et du vivant dans son ensemble) se disqualifierait d’elle-même.
I. TROIS DIMENSIONS HISTORIQUES MAJEURES DE NOTRE ÉPOQUE
Une recomposition mondiale des rapports de forces est en cours entre impérialismes, c’est-à-dire entre d’un côté les Occidentaux et de l’autre la Chine [5], la Russie et leurs alliés. C’est ce qui structure en profondeur notre époque comme cela avait structuré le premier xxe siècle, sans parler du rôle des alliances dans le déclenchement des hostilités générales. Ces concurrences inter-impérialistes sont devenues structurellement décisives au point d’ouvrir de fait, un nouvel « avant-guerre ».
Les cohésions sociales, la nature des pouvoirs et des modes de gouvernement ont profondément évolué depuis que l’ex-capitalisme soviéto-stalinien – gangréné jusqu’à la moelle par les maffias d’État, privées ou d’origines KGBistes [6] – s’est effondré sur lui-même et que la contre-révolution néolibérale est devenue internationalement dominante sous l’égide des Anglo-saxons [7]. C’est précisément à la suite de cette idéologie, soutenue il y a trente ans déjà par Hayek, Reagan et Thatcher – « la société ça n’existe pas, il n’y a que des individus » – qu’il faut comprendre l’affaissement, voire la destruction de tous les contre-pouvoirs forts dans les anciennes sociétés, qu’elles soient occidentales [8] ou pas.
Enfin, nous sommes confrontés à la probabilité de multiples états d’exception (climatique, écologique, sanitaire, économique, sécuritaire, guerrier…) combinés à un « totalitarisme démocratique » [9]. Oui, le monde est en train de changer, profondément. Il est même en plein bouleversement, ce qui, toute analogie simpliste mise à part, fait penser aux précédentes avant-guerres mondiales. Ceci dit, la dégénérescence en un conflit généralisé ne surviendra que lorsque les protagonistes se sentiront suffisamment forts pour l’engager ou conduits à cette décision, soit sous peine d’y perdre leur pouvoir, soit par les effets astreignants de leurs alliances. Mais il y a là un danger inédit : en effet, la nouveauté par rapport à la « Guerre de trente ans » [10], c’est que la survie de l’Humanité et du vivant seraient alors en cause ; et plus la guerre – les guerres actuelles – se prolongent, plus il y a des risques de « dérapages » de toutes sortes.
- D’aucuns soutiennent que résister à cette entreprise d’asservissement serait du bellicisme. Ce serait jouer les « va-t-en-guerre » ! Le pouvoir russe n’est décidément pas le seul à pratiquer « l’inversion accusatoire » [11].
L’hypocrisie pérenne du capital occidental face à V. Poutine
Que ce soit lors des interventions armées en Tchétchénie, en Géorgie, en Ukraine, en Syrie, dans le Haut-Karabakh, au Kazakhstan ou en Afrique, à chaque fois depuis 1999 et même avant, il était dans l’intérêt bien compris du capital européen de ne rien faire d’autre que des gesticulations [12] devant V. Poutine. En bon chef de clan, il a pris cela, comme un aveu de faiblesse et de lâcheté. En réalité, c’était d’un autre niveau et bien plus grave : les capitalistes européens ont tout fait pour préserver leurs intérêts dans la fédération de Russie [13]. En conséquence, ils se sont tous dérobés devant les obligations d’intervention que la signature des traités internationaux leur faisait, notamment concernant la reconnaissance internationale des frontières et celle des « garanties de sécurité » données à l’Ukraine depuis un demi-siècle.
En effet, mis à part l’acte final d’Helsinki signé en 1975, Moscou s’est engagé à respecter la souveraineté de l’Ukraine par le traité du 19 novembre 1990 [14], par les accords de Minsk et d’Alma-Ata qui établissaient la CEI [15] du décembre 1991, par les mémorandums de Budapest [16] de décembre 1994, par le traité d’amitié russo-ukrainien de fin mai 1997, par le traité bilatéral de fin janvier 2003, tandis que le 4 décembre 2009, les États-Unis et la Russie confirmaient les garanties de sécurité figurant dans les mémorandums de Budapest [17]. Au total ce sont dix documents officiels par lesquels le Kremlin a reconnu l’inviolabilité des frontières ukrainiennes.
Avec ledit « danger de cobelligérance », les trolls de V. Poutine on offert aux occidentaux une justification précieuse à l’inaction et aux dérobades devant les massacres commis en Ukraine. Mais nos propres commentateurs ont la mémoire courte : est-ce que l’Urss ou la Chine furent déclarés « cobelligérants » durant la guerre du Vietnam qui dura dix années [18] ? Or, sur ce terrain justement, il ne faudrait pas oublier que le « protectorat biélorusse » fut librement emprunté par les colonnes militaires de V. Poutine pour attaquer Kiev par le nord en février 2022. Y-a-t-il eu un seul gouvernement occidental pour oser dénoncer cette cobelligérance réelle [19] ou pour s’étonner que les installations nucléaires biélorusses n’aient pas été entièrement démantelées après la signature du mémorandum de Budapest en 1994 comme prévu, ce qui a permis qu’en octobre 2023 des armes nucléaires y soient à nouveau déployées [20].
- « L’amertume des Ukrainiens est grande, quand ils se rendent compte que s’ils n’avaient pas renoncé, sous pression occidentale [en 1994], à l’arsenal nucléaire hérité de l’Urss, toutes les menaces russes auraient perdu de leur sens. Il est donc assez paradoxal de demander à celui qui est le plus exposé au risque d’attaque nucléaire de cesser de résister, afin d’apaiser les peurs de ceux qui le sont infiniment moins » [21].
Enfin, depuis 2014, les gouvernements occidentaux n’ont cessé de réaffirmer qu’ils « respectaient l’autonomie décisionnelle de l’Ukraine », ce qui fut et reste une manière de se défausser de leurs propres responsabilités ; en effet, c’est à eux que les conventions qu’ils ont paraphés (sur le droit de la guerre et le droit humanitaire international, les crimes de guerre ou de génocide, le crime contre l’Humanité etc.) faisaient obligation d’intervenir à partir du moment où ces accords internationaux étaient transgressés. On ne sache pas qu’ils aient esquissé l’ombre d’une protestation ou un geste dans ce sens ; au contraire, l’approfondissement des échanges avec les entreprises russes (dans les domaines nucléaires, militaires et stratégiques), mais plus particulièrement la construction des gazoducs Nord-Stream, relevait d’une marginalisation économique et politique assumée de l’Ukraine, en complicité de fait avec le régime de V. Poutine [22].
Après un aveuglement pluri-décennal, après plus de deux ans de guerre gravement dévastatrice dans ce pays européen, l’hypocrisie fondamentale du capital occidental persiste : en effet, ses dirigeants ne nient pas (du moins ouvertement) que l’Ukraine devrait recouvrer son intégrité territoriale ; mais comment pourrait-elle y parvenir sans mettre fin aux assauts des armées russes [23] ni mettre en cause leurs dispositifs logistiques ?
Le summum de l’hypocrisie fut-il atteint en mars 2024 ? Les responsables étatsuniens ont alors appelé les ukrainiens à cesser leurs attaques contre les infrastructures de raffinage pétrolier ennemies qui, selon eux, seraient des cibles civiles et provoqueraient une hausse des cours sur le marché mondial. Or, il faut savoir que toutes les raffineries fabriquent des produits destinés aux armées : des carburants pour les avions supersoniques et les missiles de croisière, ainsi que des lubrifiants et des additifs spéciaux pour divers équipements militaires. Ce dont il s’agit pour les Ukrainiens, c’est de priver les armées ennemies d’énergie, comme dans toutes les guerres. Mais en réalité, Chevron et Exxon Mobil qui opèrent au Kazakhstan, dépendent des voies de transport que la Russie pourrait bloquer. Par conséquent, ces entreprises ont utilisé leurs puissants réseaux d’influence à Washington pour faire en sorte que l’Ukraine mette fin à ses frappes [24].
Tout cela nous a malheureusement amené à dire que depuis 2014, les Occidentaux soutiennent le peuple [25] ukrainien comme la corde un pendu et qu’ils n’hésiteraient pas à sacrifier l’intégralité territoriale ukrainienne lors d’un armistice à la coréenne, dicté par les États-unis.
- « Un constat amer de plus : si les Occidentaux avaient donné à l’Ukraine un dixième du matériel militaire qu’ils donnent aujourd’hui et s’ils ne s’étaient pas abrités des années durant derrière le principe de la "non-escalade" […], Vladimir Poutine aurait probablement hésité davantage avant d’envoyer ses troupes à l’assaut du pays » [26].
Au début de cette guerre, les capitalistes occidentaux ont également pris comme prétexte à la restriction de leur aide, le soi-disant danger de provoquer une escalade que V. Poutine agitait devant eux tous les soirs, pour les endormir. « Avec une aide matérielle intermittente, graduelle et dosée, l’interdiction d’employer les armes fournies sur le sol de l’agresseur et la peur de l’escalade, le soutien occidental à l’Ukraine depuis 2022 est peut-être le plus pusillanime, de l’histoire des soutiens à des pays en résistance. Il faut sans doute revenir à l’attitude des européens face à la guerre civile en Espagne de 1936 à 1939 pour trouver pire » [27].
Ce prétexte n’est même plus avancé, alors que l’on assiste à une radicalisation génocidaire des discours quotidiens dans toutes les institutions de la Russie actuelle (voire plus bas) et à un renforcement des troupes de V. Poutine.
En conséquence de l’aveuglement des gouvernants occidentaux et autres « responsables politiques », les Ukrainiens et d’autres populations pauvres et lointaines de la fédération de Russie meurent en ce moment par milliers chaque mois. Or tôt ou tard, et d’une manière ou d’une autre, les conséquences d’une défaite du peuple ukrainien pourraient être immenses, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde : les autocrates, les putschistes et autres dictateurs se sentiraient pousser des ailes, tandis que les frontières internationalement reconnues n’auraient plus beaucoup de valeur à leurs yeux. Sans parler de la consolidation probable des extrêmes droites, doublée d’un chaos intellectuel et politique inédit dans les sociétés civiles (bien au-delà de l’Occident) et bien plus profond que dans les années 1930, pour de multiples raisons [28]. Pour couronner le tout, ajoutons que bien peu y seraient préparés.
II. FAILLITE DE L’ANALYSE « GÉOSTRATÉGIQUE » ÉTATSUNIENNE
Même si cette « analyse » est au demeurant fort connue depuis longtemps, il est néanmoins important d’y revenir et de la résumer ainsi : les gouvernements états-uniens voient la Chine comme leur concurrent le plus sérieux. Tout se jouerait donc pour eux dans l’Indo-Pacifique, zone classée comme la plus importante du monde en termes stratégiques et économiques. En conséquence de quoi l’Europe serait devenue « un terrain secondaire d’affrontement » [29]. Ainsi, l’axe de la politique étatsunienne en Ukraine a été maintes fois répété : il s’agit avant tout d’affaiblir la Russie et d’éviter que se forme une coalition avec la Chine. On remarquera que le peuple ukrainien n’a là qu’une place accessoire.
Triple méprise ou lâchage préparé des Ukrainiens ?
D’une part, une coalition est en train de cristalliser entre Russie, Corée du Nord, Iran et Chine [30] : Par exemple, du 22 au 26 avril 2024, il y a eu au moins dix réunions bilatérales de haut niveau entre les responsables de ces quatre pays ; le 17 mai 2024, les chefs d’État russe et chinois se rencontraient pour la quarante-troisième fois depuis 2012 ; le lendemain V. Poutine se rendait pour la première fois depuis juillet 2000 à Pyongyang afin d’y signer un accord identique à celui de 1961 [31] et de remercier Kim Jong-Un pour ses milliers de conteneurs de missiles, d’armes et de munitions qui dévastent l’Ukraine ; le surlendemain il était au Vietnam.
D’autre part, le lent rouleau compresseur soviéto-stalinien a certes mis du temps à se mettre en marche, mais il avance lentement et sûrement, comme par le passé. Sur le front, il s’est d’abord servi des populations paupérisées, non russes, des étrangers démunis, des immigrés d’Asie centrale et des détenus comme troupes « immédiatement consommables » lancées sur les positions ukrainiennes pour les affaiblir. Pendant ce temps, V. Poutine ordonnait le bombardement des installations civiles de manière à terroriser la population et détruire les infrastructures énergétiques du pays, toutes choses prohibées par les conventions internationales. De plus, le Kremlin encourage ses « honorables correspondants » de l’Ouest [32], ses hackers et ses usines à trolls à diviser les opinions et les gouvernements : les opérations Portal Kombat, Doppelganger et Matriochkas ont fait la une de tous les journaux au début de l’année 2024 [33].
Par ailleurs, vu ses « réserves humaines », ses stocks de vieux matériels en cours de rénovation, la disponibilité des fabricants chinois à lui fournir les composants ou matières premières nécessaires et le peu d’efficacité des sanctions, sans parler des entreprises occidentales complices [34], non seulement V. Poutine pourra sans doute encore « tenir » le type de guerre d’attrition qu’il mène plusieurs années, mais il n’y aura pas d’affaiblissement militaire russe : exit donc le second argument (si peu) géostratégique des gouvernements étatsuniens.
Enfin, cette « géostratégie » étatsunienne qui vise à éviter un rapprochement russo-chinois est aussi un échec. Fait nouveau et important rendu public le 31 janvier 2024, lors d’une vidéoconférence avec son homologue russe, le nouveau ministre chinois de la Défense s’est « engagé à soutenir la Russie parce qu’il s’agirait « d’une réponse nécessaire à l’agression des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie et la Chine ». Cette évolution significative de la position chinoise fut répétée fin avril 2024 à Antony Blinken en visite à Pékin. En fait, Xi Jinping avance prudemment ses pions : il attend accessoirement de cette guerre une défaite de l’Ukraine à peu de frais, mais avant tout un isolement et un affaiblissement des États-unis. Autrement dit, alors que Washington « soutient » de triste manière un peuple ukrainien qui se bat pour sa survie, le dirigeant chinois attend, lui, que les Etats-unis soient diminués, de facto mis en échec par V. Poutine ou « abandonnent la partie » en Ukraine comme cela leur est arrivé ailleurs. Ce ne serait après tout que leur quatrième retraite d’ampleur en quelques années.
- Si vous voulez éviter la guerre, la chose est simple : « Soumettez-vous. » Cette petite musique s’entend derrière les appels à la « désescalade » [35].
Pire, aux États-unis, certains négocient dans le dos des Ukrainiens depuis avril 2023, car ils estiment que les Ukrainiens ne pourraient plus avoir les moyens de recouvrer l’ensemble de leur territoire et qu’il ne serait pas rentable de continuer à les soutenir d’autant qu’ils n’y ont pas d’intérêt spécifique [36]. Pour eux, il serait donc nécessaire d’élaborer les conditions d’une « fin honorable ». Autrement dit, ces hauts fonctionnaires recherchent à quelles conditions V. Poutine accepterait de mettre fin aux hostilités, au moins provisoirement, sur le dos des Ukrainiens [37].
III. LES SCENARII DE Trump ET Poutine
Pendant sept précieux mois, les partisans de D. Trump ont bloqué toute aide militaire en faveur de l’Ukraine, ce qui a permis à l’armée russe de se réorganiser et d’avancer. Mais l’élection de Trump en novembre retentirait comme un gigantesque coup de tonnerre dans le monde, avant même qu’il prenne une quelconque décision et quelle qu’elle soit. Netanyahou [38] et Poutine feront tout pour favoriser cette élection qui leur permettrait de poursuivre les guerres actuelles, lesquelles conditionnent leur propre survie politique, voire physique pour le second. Notons en outre que la combinaison de ces deux fronts (dans lesquels l’Iran serait pris) constituerait le ferment d’une guerre aux dimensions internationales majeures. Notons enfin que dans le cas où l’issue de l’élection de novembre ne serait pas favorable à Trump, elle serait sans doute contestée par une large partie de l’électorat [39].
Même si Trump, élu, ne s’engageait pas vers un retrait formel du traité de l’Atlantique Nord, il suffirait d’un tweet ravageur posté sur lesdits « réseaux-sociaux » [40] pour réjouir le Kremlin et plonger le peuple ukrainien dans de tragiques difficultés, tandis que les populations européennes seraient sous l’emprise du choc et livrées à elles-mêmes. La confusion politique qui règne déjà dans ce qui reste de contre-pouvoirs en Occident atteindrait des sommets inégalés depuis les années 1930, sans parler de phénomènes aggravants comme l’absence de classes ouvrières organisées en tant que force sociale ou la pandémie de « peste noire du genre urbain » (nous voulons parler des effets psycho-physiologiques desdits « réseaux sociaux ») qui, comme le dit Michel Desmurget, [41] crétinise les foules et en particulier les jeunesses alors quelles furent jadis le ferment de toutes les luttes contre les injustices sociales et politiques [42].
Ensuite et selon les circonstances, V. Poutine pourrait être tenté par plusieurs scénarii, dont celui-ci : il prétendrait se « porter au secours des russophones » de Transnistrie ou de Gagaouzie afin de pouvoir envahir ensuite la Moldavie, encore et toujours avec le même prétexte, celui qui a fait florès depuis l’annexion des Sudètes par Hitler en 1938 [43]. Il pourrait aussi préparer une grande offensive – dont la date pourrait être fonction de l’élection présidentielle étatsunienne – puis percer le front et envahir l’Ukraine ou réduire le pays à une peau de chagrin sous son propre « parapluie nucléaire ». Les Européens seuls ne seraient pas en capacité de s’y opposer, ni même de le vouloir. L’envahissement complet du territoire ukrainien lui permettrait d’assurer une continuité territoriale avec ses alliés Slovaques, Hongrois et Serbes, c’est-à-dire à terme, de reconstruire une sorte de glacis colonial – digne de « la puissance russe immémoriale » dont il se réclame – et de redessiner la carte politique de l’Europe [44], sans parler des effets déstabilisants de l’exode de millions d’Ukrainiens vers l’UE [45].
L’invasion et l’annexion d’un État souverain serait redevenue la pratique qu’elle avait été en Europe avant 1945. Pour le Kremlin, ce serait aussi un grand pas en avant dans la réalisation d’un projet néo-impérial à la hauteur de ses deux autres concurrents (Chine et États-unis).
Un troisième plan, plus autonome que les trois autres, consisterait à « cibler précisément et par inadvertance » le territoire d’un pays membre de l’Otan pour saper l’article 5 et la cohésion de l’organisation en partant du principe que « le roi de l’immobilier » newyorkais renâclerait à venir aider à un « ex-allié européen » [46]. Reste une quatrième possibilité, plus aléatoire : V. Poutine pourrait tenter d’occuper, avec son vassal biélorusse, le couloir de Suwałki [47] qui « dessert » Kaliningrad – une exclave géopolitiquement cruciale où est entreposée une partie de l’arsenal des « missiles nucléaires tactiques » russes. Mais, s’adjuger le couloir de Suwałki isolerait territorialement les pays baltes du reste de l’UE et ne pourrait advenir qu’avec la certitude que D. Trump aurait définitivement renoncé à intervenir militairement.
IV. LES DIMENSIONS NUCLÉAIRES DE LA GUERRE
En tant qu’ingénieur en chef de la centrale de Zaporijia, Oleg Dudar y a travaillé de nombreuses années jusqu’en septembre 2022 comme responsable de la division opérationnelle avec plus de six-cent cinquante collègues de ses services. En mars 2023, il a donné une longue interview sur les épreuves qu’ils ont affronté. On y apprend qu’à plusieurs reprises, la centrale, l’Ukraine et l’Europe sont passés – lors des bombardements de l’armée russe et plus tard sous son occupation – près d’un accident radionucléaire hors norme [48].
C’est une des raisons qui nous font dire que, de plusieurs points de vue, l’envahissement de l’Ukraine a entraîné ce que ni la guerre en ex-Yougoslavie, ni la guerre contre le terrorisme et encore moins la guerre d’Irak n’avaient provoqué : en effet, nul ne peut dire avec certitude que cette guerre restera militairement conventionnelle, ni territorialement circonscrite, d’autant qu’elle perdure. Cette situation introduit des risques élevés de désastre planétaire qui ont toujours été déniés par les constructeurs et les promoteurs du nucléaire, mais voilà que nous y sommes.
Nous avons analysé plusieurs aspects nucléaires de cette guerre [49], dont le statut des armes dites tactiques, tel qu’il a évolué dans les stratégies militaires états-unienne et russe, puis les changements induits depuis quelques années dans leurs doctrines d’emploi et les répercussions que cela pourrait entraîner. Il en ressort que l’increvable postulat de ladite « dissuasion nucléaire », auquel beaucoup s’accrochent encore, est de fait caduque depuis juillet 2021 [50].
Au-delà, il reste une question importante : dans le cas d’une défaite proche et inévitable (par exemple la reconquête de tout son territoire par l’Ukraine, y compris la Crimée), V. Poutine utiliserait-il une « arme nucléaire tactique [51] », malgré les avertissements de Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-unis, qui déclarait publiquement le 25 septembre 2022 : « Nous avons fait savoir au Kremlin, directement, en privé et à des niveaux très élevés, que toute utilisation d’armes nucléaires aurait des conséquences catastrophiques pour la Russie et que les États-Unis et leurs alliés y répondraient de manière décisive. Nous avons été clairs et précis sur ce que cela impliquerait ».
V. ERREMENTS EUROPÉENS, PROSÉLYTISME SOVIÉTIQUE, IMPÉRIALISME DÉCLINANT
Le 7 février 2022 est survenu un évènement pathétique : E. Macron avait tenté, cinq heures durant, de convaincre en vain le chef de clan par la rationalité des ses arguments, alors que Sarkozy, son mentor, en avait déjà fait la douloureuse expérience, en juin 2007. Le 20 février 2022, quatre jours avant l’invasion, E. Macron, était encore « à tu et à toi » avec son cher Vladimir qu’il appelait au téléphone, lui demandant au passage comment se passait les manœuvres militaires en cours à la frontière ukrainienne et censées se terminer le soir même ; il affirmait même à son interlocuteur qu’il faisait pression « sur Zelenski pour le calmer » [52], tandis que V. Poutine lui faisait comprendre au bout de huit minutes qu’il avait autre chose à faire que de parler de l’Ukraine avec lui. En témoigne, un enregistrement intéressant et pris sur le vif [53].
Le capital français a intimement collaboré avec le capitalisme d’État russe, que ce soit dans les hydrocarbures, l’industrie pharmaceutique, le luxe, l’assurance, l’alimentation, la banque [54] et surtout, depuis un demi-siècle, dans le domaine nucléaire, ce qui n’est pas rien. Ce fut même un élément déterminant de la puissance acquise par la multinationale d’Etat Rosatom et qui lui a permis de devenir la plus grande entreprise de construction de centrales nucléaires au monde [55]. Et encore, c’est peu dire lorsque l’on étudie le rôle géostratégique de ce conglomérat d’Etat dirigé par les amis du chef de clan.
Pour sa part, le capital d’outre-Rhin, dans les trois dernières décennies, a partiellement bâti sa domination européenne sur l’exil des populations de l’ancien glacis soviétique dont la démographie s’est effondrée après 1991 [56], sur l’importation des ressources énergétiques russes et sur ses débouchés en Chine. Ce pays reste d’ailleurs son premier « partenaire commercial » : WW y réalise 37% de son chiffre d’affaires et les plus grandes entreprises qui y réalisent plus de 20% de leurs bénéfices. D’où les visites précipitées d’Olaf Scholz à Pékin, dès novembre 2022, puis en avril 2024, alors que les services de renseignements occidentaux disposaient déjà d’informations selon lesquelles « la Russie et la Chine collaborent à l’élaboration d’équipements de combat destinés à l’Ukraine » [57].
Pérennité ou mutation du discours anti-impérialiste stalinien ?
Relayé sur ordre par tous les partis staliniens durant des décennies, ce prosélytisme a été remis au goût du jour au milieu des années 2010 par les appareils de propagande éprouvés du Kremlin, puis par les nombreuses sociétés de « soft power » qui gravitent autour du pouvoir, telles celles qui composaient le groupe de feu Evgueni Prigojine [58], sans parler de l’usage desdits « réseaux-sociaux » par les usines à trolls. Notons au passage que dans cette vision du monde, les États-unis ont récemment été renommés « le grand Satan », une appellation d’origine contrôlée par les ayatollahs iraniens [59] qui auront devancé d’un demi-siècle celle du patriarche Cyrille [60] de Moscou.
La mort en plein vol du « cuisinier de V. Poutine » et de son équipe rapprochée à la fin du mois d’août 2023 au nord de Moscou, n’a pas pour autant signifié l’abandon de leurs méthodes (notamment par les putschistes néo-coloniaux que feu Wagner avait cornaqués en Afrique) : les vidéos des suspects torturés suite à l’attentat du Crocus City Hall de fin mars 2024 font écho à l’exécution au marteau d’un déserteur filmée par un milicien de Wagner en novembre 2022. Il ne s’agit pas de fuites mais d’une stratégie de communication bien rodée. Le but est de traumatiser par l’image, de créer un choc psychique immédiatement propagé par l’addiction à internet et auxdits « réseaux sociaux » pour contrecarrer l’émergence de tout esprit critique ou de résistance. Cela revient à la stratégie initiée par Daesh, à savoir filmer ses propres exactions pour asseoir son pouvoir de destruction, ce qui est une version numérique et « up-to-date » de la terreur. Autrement dit et en des termes plus théoriques : il s’agit d’une « érotisation de la mort » que les totalitarismes du xxe siècle avaient déjà bien actualisée, que ce soit en Espagne par le cri de ralliement franquiste « Viva la Muerte » ou en Allemagne par les autodafés de mai 1933, avant ceux de 1939 et de 1942.
Approfondir l’analyse de l’impérialisme étatsunien
Du point de vue théorique, cet approfondissement nécessiterait d’examiner en quoi l’esclavage des Africains, l’éradication des Amérindiens, la création et l’usage du nucléaire – c’est-à-dire trois crimes contre l’Humanité – structurent en grande partie l’Histoire de ce jeune pays ; de considérer aussi en quoi les mentalités y restent profondément religieuses et même bigotes ; de comprendre quelles furent les conséquences d’une colonisation de peuplement majoritairement allemande jusqu’aux débuts du xxe siècle [61] ; d’étudier en détail les rapports incestueux entretenus [62] avant, pendant et après l’arrivée du nazisme au pouvoir ; de catégoriser la cinquantaine d’interventions armées exécutées depuis 1945 ; de revenir sur le bilan des guerres au Vietnam, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et le soutien aux gouvernements israéliens. Nous ne sommes donc aucunement dupes du rôle duplice que jouent les États-unis en Ukraine, nous l’avons même très tôt documenté [63]. Il n’empêche que, comme les républicains espagnols ou la Résistance française, les Ukrainiens ont légitimement accepté toutes les armes, d’où qu’elles viennent, pour tenter de défendre leurs vies, celles de leurs proches et de leurs concitoyens. Sans oublier le fait qu’ils furent laissés à eux-mêmes devant l’assaut donné à Kiev [64] en mars 2022, tandis que Biden proposait à Zelensky un taxi pour Berlin.
VI. UN PEUPLE SEUL FACE À LA GUERRE TOTALE [65]
C’est une guerre qui, par certains aspects, ressemble à celle de 14-18 en ce qu’elle est une guerre inter-étatique qui met en présence d’énormes contingents de recrues utilisées comme chair à canon du côté d’un état-major russe prêt à perdre jusqu’à deux mille hommes [66] pour avancer de cent mètres en moyenne ; c’est une guerre d’attrition, ce qui signifie que tout est détruit sur un front moitié plus long que celui de 14-18 en France [67]. C’est également une guerre industrielle et totale, c’est-à-dire qu’elle vise délibérément les populations civiles ukrainiennes, mais avec des moyens plus puissants et des rayons d’action plus étendus qu’alors. Les différences principales résident dans l’utilisation actuelle de l’aviation, de drones, d’Internet, du repérage par satellite et surtout par sa dimension nucléaire [68].
Reste que toute confrontation armée d’un tel niveau déplace les enjeux du moment et même les fondements de la réflexion, (sans pour autant que cela nous oblige à les abandonner). Tout est bouleversé parce nous sommes à chaque instant confrontés à la destruction, à la question de notre protection, quand ce n’est pas à celle de notre survie ou à celle nos proches. De manière profonde et pérenne, la guerre sème la destruction matérielle, psychique et morale, la dévastation générale.
« Comparaison n’est pas raison » mais, In fine, et jusqu’à preuve du contraire, le meilleur cadre de réflexion dans ce pays, consiste à se dire : qu’aurais-je fait en mai 1940 lorsque les nazis ont envahi le pays, lorsque les loups sont entrés dans Paris ? Était-il alors légitime de s’engager dans la Résistance, chacune et chacun à sa manière, y compris parfois, en souhaitant ne pas porter les armes, ce qui n’était pas nécessairement moins dangereux ?
Malheureusement, il perdure dans de nombreux cercles un anti-impérialisme superficiel, daté, exclusivement tourné contre les Etats-unis et totalement ignorant de l’histoire impériale russe depuis des siècles. C’est le fruit d’une domination idéologique de plus d’un demi-siècle de l’Urss, de son travestissement systémique de l’histoire [69], de l’implantation des partis staliniens dans les milieux populaires et, nous le savons maintenant, de ses officines ou de ses officiers de l’ombre, parfois installés de longue date au cœur de tous les pouvoirs et chez nombre de commentateurs. C’est surtout la conséquence de l’immense désert critique hérité de « la Guerre de trente ans » (1914-1945) [70]. Et contrairement à ce que l’on pouvait penser, la chute de l’Urss n’y a pas mis un terme, surtout dans les pays qui ont connu la colonisation occidentale, ce que la milice armée Wagner a très bien su exploiter en Afrique.
Un monde étonné par la résistance du peuple ukrainien
Le 24 février 2022, la première phase de l’agression russe visait à renverser le gouvernement en quelques jours et à recoloniser l’Ukraine, grâce à une « simple opération de police » qui tablait sur une population acquise à ce coup de force. La résistance organisée du peuple ukrainien a étonné tous les responsables Occidentaux – et tous les services de renseignements, CIA et FSB compris – qui croyaient en un rapide effondrement de cette société. Au contraire, une multitude d’initiatives populaires d’auto-défense témoignait de la conscience acquise depuis la « Révolution orange » de 2004. Néanmoins, tout le sud du pays a été facilement envahi depuis la Crimée annexée en 2014, à l’exception de la ville de Marioupol, assiégée durant trois mois, puis rasée, autant que le furent Grozny [71] et Alep dans un urbanicide délibérément planifié [72]. À l’été, les forces armées de Kiev reprenaient le nord-est du pays et la rive droite du Dniepr, mais en septembre, la mobilisation partielle de 300 000 réservistes par Moscou, le début d’une campagne de bombardements contre les infrastructures énergétiques en octobre et l’engagement massif de prisonniers de droit commun [73] expédiés en première ligne – via l’ex-groupe Wagner – allaient changer la donne : le début d’une guerre d’usure typiquement soviéto-stalinienne allait fixer les troupes ukrainiennes durant l’hiver 2022, notamment à Bakhmout, alors qu’au sud, le territoire était massivement miné [74] et fortifié par plusieurs lignes de défense en profondeur, mettant ainsi en échec la seconde contre-offensive ukrainienne débutée en juin 2023 [75].
Puis l’hiver allait relativement stabiliser le front, au profit des armées russes qui regagnaient du terrain perdu. Depuis, une guerre d’usure fait rage. C’est une guerre de logistique [76] qui tient aux équipements, aux munitions, aux effectifs, aux pièces détachées, à l’argent, ce dont les Ukrainiens manquent cruellement. Pendant ce temps, la Russie de V. Poutine, qui était déjà le deuxième pays exportateur d’armement au monde, a sérieusement réorienté son appareil industriel grâce à un pouvoir hyper centralisé et au contournement des sanctions occidentales : il n’est que de voir la hausse subite des exportations européennes, notamment allemandes et suisses, vers le Kazakhstan, l’Ouzbékistan ou les pays du Caucase pour comprendre les contournements utilisés [77]. Autrement dit, la Russie actuelle est en train de passer en économie de guerre tandis que plusieurs dizaines de milliers de victimes civiles et militaires tombent chaque mois.
Un peuple qui lutte une fois encore pour sa survie [78]
Les Ukrainiens affrontent au quotidien des destructions majeures qui demanderont des décennies de reconstructions et de réhabilitations écologiques (estimées à plus de 600 Mds $ en février 2024), sans parler des traumas et blessures humaines qui persisteront.
En deux années de guerre, il y a eu environ 80 000 soldats tués et 200 000 blessés du côté ukrainien et probablement plus 50 000 civils tués et autant de blessés, notamment lors de la destruction à 95 % de la ville de Marioupol qui comptait près d’un demi-million habitants. Depuis le 24 février 2022, près de 10 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur logement dont 6,4 millions se sont réfugiées à l’étranger [79], soit au total plus de déplacés que durant l’exode de mai-juin 1940 en France. L’Ukraine qui comptait 50 millions d’habitants à la fin du xxe siècle, n’en comptait qu’un peu plus d’une trentaine à la fin de l’année 2023.
En outre, l’Ukraine, comme tout pays militairement envahi affronte de nombreux problèmes, qu’ils soient économiques, sociaux, politiques, énergétiques, industriels ou militaires ; en l’occurrence ils sont nombreux et critiques, si bien qu’un effondrement du pays ne peut être exclu. Des conséquences gravissimes s’en suivraient pour la survie de ses habitants, comme le suggèrent les appels quotidiens au génocide de Margarita Simonian ou de Vladimir Soloviev sur la chaîne de télévision d’Etat « Rossiya 1 » [80], avec la bénédiction du chef de clan, celle de ses idéologues, de son premier cercle maffieux et de son église. Le comble, c’est qu’ils se présentent tous comme les ultimes dépositaires de la civilisation [81] dont se seraient détournés les Occidentaux, propagande qui trouve en Europe des naïfs ou des complaisants pour la relayer sans scrupules [82].
VII. CONCLUSION PROVISOIRE
Nous aurons tout entendu depuis le début de cette guerre d’agression. On nous a d’abord dit « qu’il ne faudrait pas provoquer la Russie » ou « qu’il ne faudrait pas humilier Poutine [83], afin d’éviter une escalade du conflit ». Ce négationnisme devant les massacres perpétrés sous ses ordres depuis 1999 n’en finit pas de nous étonner [84], d’autant que ses armées, dès le moment où elles ont franchi la frontière ukrainienne, volaient, torturaient et violaient, que ce soit à Irpin, à Boutcha, à Kherson ou ailleurs, exactement comme elles l’ont fait depuis des décennies avec les encouragements de hiérarchies formées au cours des massacres coloniaux en Afghanistan : une drôle de manière de venir « libérer les populations ukrainiennes » dites opprimées. On nous a également seriné sous différentes formes que « l’Ukraine, ça n’existe pas », un discours façonné par les trolls du FSB. Il y a aussi eu les commentateurs de plateaux qui voulaient nous faire entrer « dans la tête de Poutine ». Las ! Ils n’avaient ni les capacités d’un psychanalyste, ni celles d’un historien et encore moins celles d’un chercheur. Mais cela eu l’avantage de détourner les foules des crimes de guerre commis en Ukraine.
Il y a également eu le pointage d’une corruption dont on oubliait fort opportunément qu’elle fut le premier et le plus grand produit d’exportation du colonialisme soviétique (puis des mafias russes après l’effondrement de l’Urss) durant trois-quarts de siècle et à laquelle les autorités ukrainiennes se sont attaquées pour satisfaire aux conditions d’entrée dans l’UE. Il y a eu la dénonciation de « l’avancée de l’Otan » [85], mais un silence complice sur les huit premières guerres de V. Poutine. Et que dire sur le fait que celui-ci ait poussé des pays notoirement neutres – la Finlande et la Suède – à y adhérer sans que cela ne déclenche une quelconque protestation de sa part, alors que ce fut un de ses premiers prétextes de guerre, prétexte d’ailleurs peu à peu abandonné au profit d’une eschatologie millénariste et de la dénonciation de « l’Occident collectif » décadent. Il y a eu le renvoi dos à dos de l’agresseur et de l’agressé, comme certains le faisaient jadis lors de l’examen d’un viol, en ajoutant « qu’ils ou elles l’ont bien cherché ». Il y a aussi eu un pacifisme bêlant à la Daladier [86], face à un envahisseur armé, ce qu’aucun Ukrainien ne pourrait entendre. Il a également été avancé que les États-unis seraient à la manœuvre alors que l’Europe est d’un intérêt secondaire pour eux depuis longtemps. Et puis, selon certains leaders politiques, le président et le peuple ukrainien seraient des marionnettes occidentales : comment expliquer alors qu’ils ont su repousser seuls les envahisseurs dans les premiers jours, tout en refusant les redditions qu’on leur proposait ? Belle conception de l’Histoire et d’un peuple dans la bouche des populistes inspirés par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe. Le pire fut de justifier, mezzo voce, la conquête d’un « espace vital » nécessaire à la sécurité de Moscou en faisant fi des frontières internationalement reconnues.
À lire et entendre ce qui se dit aux deux extrémités de l’échiquier parlementaire aujourd’hui, on ne peut évidemment pas s’empêcher de comparer les reculades répétées devant V. Poutine à celles qu’il y eût avant, pendant et après les accords de Munich [87] en 1938. Mais actuellement, les mouvements pour la paix activent leur très généraliste et vieille propagande anti-guerre qui vise à nous faire oublier qui a déclenché l’invasion présente de l’Ukraine : toujours la même inversion accusatoire propre au KGB, fusse avec les moyens modernes des usines à trolls de Saint Pétersbourg. De plus, comme lors de l’apparition du mouvement des Gilets Jaunes à la fin de l’année 2018, les gardiens de l’analyse abstraite qui ne quittent jamais leurs belvédères théoriques, nous enjoignent une fois encore de « garder les mains propres » et de ne pas nous mêler de ce qui ne nous regarde pas, c’est à dire de la plèbe qui meurt sous nos yeux. Tout cela qui nous amène à paraphraser l’historien de la guerre, S. Audoin-Rouzeau : « les pacifistes d’aujourd’hui seront-ils les collaborateurs de demain [88] ? » Et il n’est pas le seul :
Reste qu’à ce stade, il est difficile d’avancer une conclusion, si ce n’est que le monde est en train de se défaire, parfois violemment, alors que la plupart ont la tête baissée et les yeux rivés sur leurs petits écrans. Or, tout état de guerre engendre des chocs traumatiques profonds, ce qui fut vite, beaucoup trop vite, mis sous le tapis après 1945 et dont, trois quart de siècle après, nous n’avons toujours pas pris la mesure, quant à la débâcle de la pensée et des relations entre humains ou avec le vivant qui s’en est suivie. Soit que les uns aient eu intérêt à faire oublier le pacte Molotov-Ribbentrop en continuant à falsifier l’histoire [89] ; soit que les autres eurent intérêt à camoufler les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis à Tokyo, Dresde, Hambourg, Hiroshima et Nagasaki.
D’autre part, les uns et les autres continuèrent à exporter leur idéologies, grâce à leurs succursales partidaires légales et illégales dans de nombreux pays, ou bien grâce aux plans Marshalls et à leur quincaillerie moderniste. Une fois de plus, de part et d’autre du « rideau de fer », l’Histoire fut écrite par les vainqueurs et les dissidences vite conduites au goulag ou séduites par l’appât du gain.
À l’échelle du temps humain ou à celui des civilisations, trois quart de siècle, ce n’était auparavant pas grand-chose. Mais nous savons à présent que non seulement la civilisation du capital sera la plus courte que l’Humanité ait jamais connue, mais que ses moyens peuvent mettre en cause la vie sur Terre rapidement, ce que les foules sont conduites à refouler à chaque seconde de leurs existences. C’est pourquoi il est devenu plus difficile d’imaginer la fin du capitalisme que la fin du monde, ce dont la plupart ne comprennent pas les causes et ce qui permet à Hollywood d’en faire ses choux gras depuis des décennies. Reste que le droit d’un peuple à la résistance est un droit inaliénable, mais pour qu’il reste vivant, cela suppose parfois d’en venir à prendre les ….. moyens de l’auto-organisation.
Fin juin 2024
[1] L’énorme travail de l’ONG russe Memorial était loin d’être achevé lorsqu’elle fut dissoute le 28 décembre 2021 en prévision de l’invasion de l’Ukraine. Ce travail concernait plus spécifiquement le Goulag, mais il n’a pas été repris par l’ensemble de la société comme ce fut le cas en Afrique du sud après la destitution de l’apartheid. L’analyse historico-politique globale de ce que fut l’Urss puis la Russie de Eltsine reste donc à faire. Merci encore à Bernard F., Gary L., Antonin I. et Sandrine M. pour leurs relectures attentives. Première version déposée à la SGDL sous le n° 3467.
[2] Allusion au dernier courant théorico-critique constitué – l’école de Francfort (Adorno, Marcuse…) – qui avait tenté de rapprocher marxisme et psychanalyse.
[3] C’est-à-dire l’équivalent d’un livre de quatre cent pages qui débute par une histoire critique de l’Otan. Cf. leur liste en annexe 1.
[4] Et quelques dizaines de milliers de Caucasiens, de Sibériens et autres populations enrôlées dans les armées russes.
[5] Comme c’était le cas avec les entreprises russes, le capital européen entretien des liens de dépendance forts avec la Chine : 400 Mds de déficit commercial annuel ! Sans parler des dépendances industrielles stratégiques de tous ordres. Notons au passage que l’Empire du milieu pèse 18% du PIB mondial mais capte 32% de sa valeur ajoutée… Agatha Kratz, « Le temps du débat », 9e minute, France culture, 6/05/2024.
[6] Parmi les très nombreux ouvrages à ce sujet : Virginie Coulloudon, La Mafia en Union Soviétique, Paris, JC Lattès, 1991. Evguenia Albats, La bombe à retardement. Enquête sur la survie du KGB, Plon, 1992. Igor Kliamkine et Lev Timofeev, La Russie de l’ombre, Presses de la Cité, 2000. Catherine Belton, Les hommes de Poutine : Comment le KGB s’est emparé de la Russie avant de s’attaquer à l’Ouest, Talent éditions, 2022. Stéphane Courtois, Galia Ackerman, Le livre noir de Vladimir Poutine, Robert Laffont, juillet 2022. Avertissement : une fois de plus, citer un auteur, un livre ou un site ne signifie nullement en partager l’entièreté argumentaire.
[7] Cf. à ce sujet le Carnet de Guerre #2 intitulé « L’Anschluss de la RDA ».
[8] Les classes ouvrières occidentales ont été défaites, dans tous les sens du terme, par le néolibéralisme, les partis politiques – sauf ceux d’extrême droite – ont sombré corps et biens, les zombies numériques sont de plus en plus appareillés et décervelés etc.
[9] qui s’étend dans les pays occidentalisés, tandis qu’ailleurs se multiplient les dictatures, les coups d’Etat, les effondrements sociétaux dans lesquels prolifèrent trafics et maffias en tous genres conduits par des chefs de guerre surarmés[[ À ce sujet, nous fûmes stupéfiés d’apprendre, au début de l’année 2024, qu’ils sévissaient aussi dans les pays du nord de l’Europe, autrefois réputés pour un strict auto-contrôle social issu de leur austère culture protestante. Avec les meurtres qui se multiplient dans les cours d’écoles depuis Columbine – là aussi, les Etats-unis avaient un quart de siècle d’avance – cela signe évidemment une désagrégation galopante de toutes les sociétés et des rapports humains, désagrégation qui est elle aussi « mondialisée ».
[10] Période qui débute en 1914 et s’achève en 1945. Concept issu des travaux des historiens Eric Hobsbawm et Enzo Traverso.
[11] Jean-Sylvestre Mongrenier, « Les États européens ont les moyens de résister à la pression russe », Desk Russie, 10 mars 2024.
[12] Ou de plier bagage comme Bolloré en Afrique. Cf. la série des « Carnets de guerre » publiés sur Internet.
[13] Sans parler de ses représentants totalement corrompus, tels Schroeder ou Fillon, deux personnages qui ont tenté jusqu’au bout de sauvegarder leurs jetons de présence dans les conseils d’administration des grosses sociétés russes. Depuis le 22 février, un site a tenu à jour l’inventaire des entreprises qui continuent leur business en Russie : “Over 1,000 Companies Have Curtailed Operations in Russia - But Some Remain”, Yale School Management, Chief executive Leadershp Institute, Januaray 28, 2024.
[14] Journal article, « document 7 : traité entre la RSFS de Russie et la Rss d’Ukraine, signé a Kiev le 19 novembre 1990, par B. Eltsine et l. Kravtchouk », Studia Diplomatica, Vol. 46, No. 3/5, l’indépendance de l’Ukraine (1993), p. 345-348. https://www.jstor.org/stable/44836786
[15] Emma Donada, « La Russie s’était-elle engagée à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine via le Mémorandum de Budapest ? », Libération CheckNews le 11 mars 2022 et https://www.cvce.eu/content/publication/2005/4/15/d1eb7a8c-4868-4da6-9098-3175c172b9bc/publishable_fr.pdf
[16] Mémorandum relatif aux garanties de sécurité dans le cadre de l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Budapest, 5 décembre 1994. Volume 3007, I-52241. https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%203007/Part/volume-3007-I-52241.pdf
[18] Ces deux pays ont militairement soutenu, et de manière massive, le « nord-Vietnam », des pilotes russes étant même aux commandes de leurs propres avions pour ce faire. Est cobelligérant un pays qui « prête » son territoire à une attaque ou qui envoie ses soldats aux côtés des « amis ».
[19] Le groupe de surveillance Belaruski Hayun a signalé l’envoi vers la Russie de trains transportant des dizaines de chars et de camions. Selon ces estimations plus de 65 000 tonnes de munitions avaient été transférées en novembre 2022. En outre, le complexe militaro-industriel biélorusse produit des viseurs pour les véhicules blindés de transport de troupes russes, ainsi que pour ses chars T-72 et T-90. Enfin, la Biélorussie produit des véhicules blindés « Kaiman », des camions militaires MAZ et des châssis MZKT pour équipements lourds. En outre, ce complexe militaro-industriel fabrique des drones de reconnaissance, des systèmes de fusées à lancement multiple, et modernise les chars soviétiques.
[20] Laurent Lagneau, « La Biélorussie modifie sa Constitution pour autoriser le déploiement d’armes nucléaires russes sur son sol », Zone Militaire opex360.com, 7 février 2022. « La Biélorussie va modifier sa doctrine sur l’usage des armes nucléaire tactiques », Courrier International, 17 janvier 2024.
[21] Thorniké Gordadzé, « La guerre, c’est la paix. Faut-il négocier maintenant avec Poutine ? », La Grande Conversation, 23 janvier 2023.
[22] Cf. à ce sujet le Carnet de Guerre #5, intitulé « La population ukrainienne affronte une guerre totale… », décembre 2022-avril 2023.
[23] Les Occidentaux continuent pourtant à mettre leur véto ou à livrer trop tard et au compte-goutte les matériels qui permettraient au peuple Ukrainien de se défendre : systèmes Patriots et autres défenses anti-aériennes, missiles à longue portée, obus de 155 mm etc.
[24] Mykhailo Gontchar, « L’Ukraine doit-elle s’attaquer à l’industrie russe du raffinage du pétrole ? », Desk Russie, 28 avril 2024. Enfin, les États-unis semblent avoir oublié que l’armée de V. Poutine avait commencé à détruire systématiquement les infrastructures pétrolières ukrainiennes dès le 27 février 2022.
[25] Nous utilisons la notion de « peuple » pour la première fois à l’occasion de cette guerre d’agression russe. Elle est ici employée au sens de l’anthropologie politique. Autrement dit, nous pensons qu’un « peuple » se construit la plupart du temps dans l’adversité, c’est-à-dire face à un danger existentiel et pour peu qu’il en réchappe, ce qui fut par exemple le cas des « Gaulois » après la guerre que César a faite aux dizaines de tribus d’alors.
[26] Thorniké Gordadzé, art. déjà cité.
[27] Michel Goya, « Le soutien militaire à l’Ukraine », 22 mai 2024 : « Hitler et Mussolini bafouent allègrement le « pacte de non agression » en vendant ou fournissant des équipements aux franquistes sans que cela suscite la moindre rétorsion, par peur de « provoquer » ces dictateurs. […] L’engagement matériel et humain de part et d’autre n’a finalement provoqué aucune extension du conflit par escalade. Quelques mois après la fin de la guerre d’Espagne, l’Allemagne et l’Union soviétique qui venaient de s’y affronter deviennent même alliés [pacte Ribbentrop-Molotov qui se traduira par l’invasion conjointe, l’occupation et l’annexion de certains États ou territoires : Pologne, Finlande, pays baltes, Bessarabie] ».
[28] Cf. à ce sujet la série des « Carnets de réclusion » et des « Carnets de guerre » repris sur le Net.
[29] Allusion au fait que, durant la « Guerre froide », les affrontements Est-Ouest se faisaient hors d’Europe et d’Amérique du Nord, sur des terrains dits « secondaires », à savoir les autres continents. Cette rhétorique suppose toutefois d’en être resté à l’ère Eltsine et de prendre encore la Russie de V. Poutine comme une puissance secondaire, ce qu’il n’est pas prêt d’accepter et qui ne tient pas compte du « nouvel esprit impérial » sur lequel il a construit son pouvoir depuis la fin des années 1990. Les administrations étatsuniennes, d’abord fourvoyées par un maccarthysme de guerre froide, puis un anticommunisme de bazar et une méconnaissance socio-historique profonde de la Russie – faute notamment d’ancrage dans sa réalité – ont toujours eu une vision totalement fantasmatique de ce pays, que ce soit du temps de l’URSS ou après.
[30] Le 28 mars 2024, la Russie a imposé la dissolution du système de contrôle des sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord « juste retour » des livraisons massives d’obus, de missiles et d’armes de son voisin Kim Jong-un. En Iran, outre des Sukhoï-35, des hélicoptères d’attaque, des missiles et des systèmes de défense aérienne obtenus en retour des milliers de drones Shahed-136 iraniens fournis ou fabricables sous licence, cette coopération bilatérale englobe à présent la mise en orbite de satellites iraniens de surveillance par des fusées Soyouz. Enfin, en 2023, les échanges russo-chinois (240 Mds $) ont progressé de 26,3 % sur un an et les exportations de biens à double usage chinois vers la Russie (machines-outils, composants microélectroniques, technologies de drones et de missiles de croisière) ont augmenté de 30 % depuis le début de la guerre. Libération et Reuters, le 13 octobre 2023. Courrier International, le 24 janvier 2024. La Dépêche.fr, 19/03/2024. Notre Temps et AFP, le 01/03/2024. Le nouvel Economiste, le 03/05/2023. Libération, 25 mai 2023. Le Grand Continent, 23 mai 2024, L’Opinion, 13 avril 2024.
[31] ISW du 20 juin 2024.
[32] Cf. la corruption avérée de certains députés européens, le scandale qui entoure la radio « Voice of Europe » et la révélation des nombreuses taupes lovées, parfois de longue date, dans de nombreux médias dont le Monde Diplomatique ; lorsqu’Anne Cécile Robert, sa directrice, avait été interrogée concernant Olesya Orlenko, une de ses deux journalistes soupçonnés de « travailler avec le FSB » jusqu’en septembre 2022, elle avait répondu : « Nous n’avons fait que vérifier en surface son CV, nous n’avons pas les moyens de mener des enquêtes poussées sur chaque collaborateur ». On appréciera la réponse d’un journal qui se targue de réaliser des investigations sérieuses. Nicolas Quénel, « Cette journaliste russe qui infiltrait Le Monde diplomatique et L’Humanité », Le Point, 13 février 2024. Lire aussi : Commission on security and cooperation in Europe, Paul Massaro, Amelie Rausing, Russia’s weaponization of corruption (and western complicity), Tuesday, June 6, 2017.
[33] Tout comme les tags d’étoiles de David, de mains rouges sur le musée de la Shoah, le dépôt de cercueils devant la Tour Eiffel ou la manipulation malencontreuse d’explosif dans une chambre d’hôtel de l’aéroport de Roissy.
[34] Cf. à ce sujet les études de Yale (déjà signalées) et du site Disclose. Ulysse Legavre-Jérôme, « Gaz russe : la France championne d’Europe des importations malgré la guerre en Ukraine », Les Echos, 12 avril 2024.
[35] Jean-Sylvestre Mongrenier, art. déjà cité.
[36] Il s’agit de Richard Haass et Charles Kupchan, qui sont membres du Council on Foreign Relations, le think tank qui publie la revue Foreign Affairs. Thomas Graham, et Mary Beth Long feraient aussi partie de ces négociations secrètes. Dans un article de leur revue en date du 17 novembre 2023, ils proposaient une nouvelle ligne « centrée sur la négociation d’un cessez-le-feu en réorientant l’action militaire [ukrainienne] à la défensive » : la priorité ne serait plus la restauration de son intégrité territoriale, mais à titre de compensation, certains États occidentaux offriraient des garanties de sécurité à l’Ukraine, comme ce fut fait depuis 1975 et au début de l’année 2024 : hasard ou nécessité programmée ? Les auteurs, dans leur recherche d’une solution, passent sous silence d’une part le questionnement sur les buts de guerre de V. Poutine et d’autre part leurs implications pour l’Ukraine ». Article « Guerre en Ukraine : la Russie et les États-Unis mèneraient des négociations de paix en secret depuis des mois », La Rédaction, La Libre.be, 07.07.2023.
[37] Cf. Olivier Sueur, « Quelle stratégie pour l’Occident en Ukraine : le renoncement par défaut », Le Rubicon, 21 février 2024. O. Sueur est ancien ss-directeur au sein du Ministère des Armées, professeur à Sciences Po et chercheur associé à l’Institut d’études de géopolitique appliquée. Une fois de plus, citer ou résumer un texte ne signifie pas que l’on approuve l’ensemble des orientations de l’auteur ou de son site.
[38] Sans parler des usines à Trolls et autre Pegasus, pour Netanyahou, cela pourrait passer par un embrasement généralisé du Moyen-Orient qui obligerait Biden à s’engager plus avant dans ce bourbier et ainsi à perdre les élections en faveur de Trump.
[39] Et certaines institutions, dont la Cour suprême. Les États-Unis pourraient alors sombrer dans un désordre politique et constitutionnel inédit qui aurait des effets non moins délétères que l’élection du « roi de l’immobilier ». Plus de 50% des états-uniens sont acquis aux complotismes selon une enquête conjointe de l’IFOP et de l’ambassade des Etats-unis en France. « Complotisme en France et aux Etats-unis : un état des lieux qui interroge et inquiète », UP, 13 avril 2023. Mike Rothschild, « QAnon et le futur de la politique américaine », dans Hérodote 2022/1-2 (N° 184-185), pages 185 à 200. Theodore McLauchlin, « Une menace latente pour 2024 : dans quelle mesure une crise constitutionnelle violente risque-t-elle de se produire aux États-Unis ? », Le Rubicon, 7 avril 2023.
[40] Mathéo Malik, « Nucléaire : face à Poutine, une dissuasion à l’européenne, conversation avec B. Tertrais », Le Grand Continent, 11 mars 2024 et Nona Mikhelidze, « Ukraine : où finit la guerre ? », Le Grand Continent, 23 février 2024. Tertrais est un nucléocrate de longue date.
[41] Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital, Paris, Seuil, 2019.Cf. Merci à Antonin d’avoir attiré mon attention à ce sujet que j’avais abordé dans les « Carnets de réclusion » suivants : « Coronavirus et dispositifs de contrôle social : l’exemple chinois », # 1, mars 2020 ; « Le backtracking pour tous », # 2, avril 2020 ; « La peste noire du genre urbain », #11, février 2022.
[42] Du point de vue théorico-politique, il serait plus juste de dire qu’étant prioritairement exposés à ce type d’extorsion psychique, sensible, cognitive et physiologique, elles sont prolétarisées en continu et bien plus profondément que les ouvriers du capitalisme thermo-industriel des débuts du xixe siècle. C’est l’ignorance du rôle qui leur a été confié – être les petites mains des entreprises numériques supranationales – qui rend certaines luttes politiques déconnectées des dures réalités du capitalisme ou de la redistribution en cours de ses vocations impériales.
[43] La pire des hypocrisies reprise par certains, étant donné que depuis les années 1920 et à plusieurs reprises, non seulement le peuple ukrainien a été décimé par la faim, non seulement le pays fut colonisé et russifié de force, mais même l’intelligentsia de ce pays fut explicitement exterminée ; cela porte le nom de génocide. En outre le blé ukrainien, le charbon et le fer du Donbass et d’autres ressources furent systématiquement pillées par les staliniens.
[44] Là encore, la longueur de la nouvelle frontière avec un pays de l’Otan, à savoir le Nord de la Roumanie, serait accrue de 650 km.
[45] V. Poutine « victorieux en Ukraine, ne manquerait pas de revenir à la charge, une fois pansées en deux ou trois ans les plaies de cette guerre ».
[46] Le 10 février 2023, la Roumanie et la Moldavie ont été survolées par deux missiles de croisière russes avant qu’ils entrent en Ukraine ; les Roumains se sont contentés de le nier, c’était plus pratique. En Pologne, au moins trois missiles russes ont violé l’espace aérien depuis le début de la guerre ; les débris d’un de ces missiles (le KH 55, 8 m, 2 t.) ont même été retrouvés à 220 km au Nord-ouest de Varsovie. Enfin, trois jours après le dernier survol du territoire polonais, le 24 mars 2024, l’ambassadeur russe n’a pas jugé bon de se rendre à la convocation du gouvernement polonais. Par contre, lorsque le 24 novembre 2015 l’espace aérien turc avait été survolé une dizaine de secondes par un Sukhoï SU24, l’avion avait été abattu illico. V. Poutine avait gesticulé durant sept mois puis s’était calmé. Il ne faut pas en douter, les réactions occidentales aux « erreurs de tirs » actuelles sont politiquement interprétées au Kremlin. C’est une des multiples manières KGBistes de tester les gouvernements de « l’Occident collectif ».
[47] Seul point de passage terrestre entre Kaliningrad et la Biélorussie, donc avec la Russie et qui mesure environ 65 km à vol d’oiseau. Cette exclave est approvisionnée par une voie de chemin de fer qui passe par Minsk (Biélorussie) et Vilnius (Lituanie).
[48] C’est ce qui avait inspiré le Carnet de guerre #13 intitulé « Comment l’Ukraine et l’Europe ont échappé à un désastre nucléaire : un accident majeur, en comparaison duquel Tchernobyl et Fukushima pouvaient n’être que des jeux d’enfants », février 2024. La traduction personnelle de cette interview est issue de celle publiée par le site pro-nucléaire ICC d’Ukraine : https://rdcentre.com.ua/zaporizka-aes-rik-heroizmu-boliu-ta-vyprobuvan/
[49] Cf. à ce sujet les carnets de guerre #3, #4, #13 et #15 déjà mentionnés et publiés sur Internet.
[50] Cf. l’évolution des doctrines d’emploi des armes nucléaires aux États-unis et en Russie dans le « Carnet de guerre » #4.
[51] Afin de détruire une infrastructure stratégique. Ou bien la lancerait-il dans une zone peu peuplée dans le but de terroriser les populations, au-delà même du champ de bataille ? Pire encore, le projet néo-impérial de Poutine pourrait-il s’accommoder de ramener une partie du territoire ukrainien à un désert post-nucléaire inhabitable grâce à une bombe à neutrons, alors que ce geste relèverait du suicide collectif ? La présentation de la possibilité d’une guerre nucléaire par V. Poutine est devenue identique à celle de la guerre sainte par le Djihad : « Certes, nous mourrons tous, mais en tant que victimes d’une agression, en tant que martyrs, nous irons au paradis, et eux [les ennemis de la Russie] mourront tout simplement, parce qu’ils n’auront même pas le temps de se repentir », avait-il dit le 18 octobre 2018 depuis le colloque du Club Valdaï à Sotchi. AFP, Courrier International, La Presse, Le Devoir etc.
[52] « Un jour avant l’invasion, l’Allemagne et la France affirmaient encore que Poutine leur avait promis qu’il n’attaquerait pas l’Ukraine ! » Interview de Zelenski à Kiev par Isabelle Lasserre, Le Figaro, 10 févr. 2023.
[53] Dans un documentaire intitulé « Un président, l’Europe et la Guerre » diffusé le 30 juin 2022 sur France 2, le journaliste Guy Lagache filme les conseillers diplomatiques du président français en train d’écouter l’appel passé entre les deux dirigeants le 20 février précédent, soit quatre jours avant le début de l’offensive russe en Ukraine. https://www.youtube.com/watch?v=TN-PrKMgKXE Malgré l’échec de cette « diplomatie des rapports intimes », E. Macron a renouvelé l’expérience avec Xi Jinping en l’invitant dans un lieu de son enfance, le col du Tourmalet, dans les Pyrénées orientales.
[54] Cf. les entreprises françaises répertoriées par la CELI de l’université de Yale. https://urlz.fr/pXKQ Fin 2023, l’entreprise Total était toujours impliquée dans le méga-chantier gazier dans la péninsule de Yamal en Sibérie avec l’entreprise russe Novatek, Camillle Escudé, « Le Temps du débat », France Culture, le 25 déc. 2023.
[55] Cf. à ce sujet, le Carnet de Guerre n°15 intitulé « CEA, EDF, Orano, Engie, Framatome, Alstom et Rosatom vont en bateau »
[56] Les paysans et autres populations de l’ex-Urss ont été happées par le développement rapide du capital allemand après l’Anschluss de la RDA. Par exemple, l’Ukraine a perdu 8,39 millions d’habitants entre 1991 et 2021 (de 52,18 à 43,79 millions). Source Banque mondiale. À ce propos, L’historien États-unien T. Snyder rappelait devant le Bundestag en 2017, tout le « travail de mémoire » qu’il reste à faire vis-à-vis des exactions nazies commises en Ukraine sous l’emprise d’un esprit colonial. À défaut, celui-ci persisterait, disait-il. Cf. le Carnet de Guerre #12 intitulé « La responsabilité historique de l’Allemagne envers l’Ukraine, Conférence de T. Snyder devant le Bundestag ».
[57] London Defence Conference : Russia and China are collaborating on combat equipment in Ukraine, Kings’s College London. The Guardian, 23 mai 2024.
[58] Dont son entreprise Internet Research Agency (IRA). Les activités du groupe, y compris en Afrique, ont été reprises en main par le Kremlin. À ce sujet, une des meilleures sources d’information, c’est le site d’opposition russe The Insider qui renvoie souvent à d’autres sites ou journaux sérieux et reconnus avec lesquels il travaille et que les médias main stream français découvraient au début du mois d’avril 2024 à propos dudit « syndrome de Cuba ».
[59] Dans un phénomène assez proche de ce qu’il s’est passé en Urss, les Ayatollahs ont perdu une bonne partie de leur pouvoir effectif au profit d’un régime maffieux dirigé par les « gardiens de la révolution », d’où un rapprochement plus aisé avec le Kremlin. Une bonne analyse de Gilles Kepel.
[60] Cyrille a été agent du KGB dans les années 1970, sous le nom de Mikhaïlov : alors qu’il est représentant du patriarcat à Genève, il a un accident de la circulation au volant de sa BMW qu’il conduisai à grande vitesse. Deux passagers sont à bord du véhicule, un colonel du KGB et son fils qui est blessé. Cyrille est donc rapatrié à Leningrad. Cf. Bernadette Sauvaget, « Kirill, patriarche qui n’a Dieu que pour Poutine », Libération, 5 mai 2022. Marc Nexon, « Kirill, l’ange gardien de Poutine », Le Point, 29 novembre 2012 et Irina Filatova, “The politicking patriarch”, The Guardian, 2 february 2009.
[61] Contrairement à ce qui est généralement dit ou écrit, c’est l’immigration d’origine allemande qui fut majoritaire aux États-unis durant le premier xxe siècle. Johann Chapoutot, Histoire de l’Allemagne de 1806 à nos jours, Paris, PUF, 2017, p. 55.
[62] Exportation de l’idéologie eugéniste, racisme antisémite largement répandu dans le pays par Ford dès 1920, prêts financiers avantageux, transferts de technologies de pointe, collaboration juridique étroite dans l’élaboration des lois de Nuremberg, participations industrielles et bancaires croisées, construction de matériels militaires… Cf. l’annexe intitulée « De l’eugénisme au nazisme (1868-1939) » in Jean-Marc Royer, Le Monde comme projet Manhattan. Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant, Le Passager Clandestin, 2017.
[63] Cf. le Carnet de Guerre # 5, « la population ukrainienne affronte une guerre totale. Les uns regardent ailleurs tandis que le capital occidental est prêt à la lâcher », 19 décembre 2022 et le Carnet de Guerre # 6, « Les Ukrainiens payent de leurs vies le cynisme des uns et la barbarie des autres », 20 janvier 2023. D’ailleurs, il faudrait également revenir sur l’attitude du capital européen vis-à-vis du Kremlin depuis un quart de siècle et à l’égard de l’Azerbaïdjan, nouvel Eldorado pétro- gazier depuis 2022. Cf. à ce sujet les Carnets de Guerre #2, #12 et #15.
[64] Le 27 février 2022, l’Allemagne a autorisé la livraison de neuf obusiers en provenance d’Estonie et les États-Unis ont transféré 200 Stinger. Le 28 février, la Pologne a transféré 100 mortiers et munitions et a entamé des discussions sur le transfert de plusieurs de ses chasseurs et avions d’attaque vers l’Ukraine. La France a envoyé des systèmes antichar Milan et Javelin et des MANPADS Mistral. De nombreux autres pays ont envoyé des armes similaires : lance-grenades, mortiers, MANPADS, obus et gilets pare-balles. Tout cela était certes utile, mais ne pouvait inverser le cours des hostilités. Insider 17 juin 2024, https://theins.ru/en/politics/272467
[65] Une guerre « totale » vise explicitement les civils du camp adverse. La locution « à caractère génocidaire » s’applique, entre autre, à la déportation des enfants ukrainiens en Russie pour laquelle Poutine est recherché par le TPI. Cf. le Carnet de Guerre #11 dans lequel ce terme est examiné en détail.
[66] The Insider, Veaceslav Epureanu, “Tanks still matter, drones trump jets, nukes don’t deter : 18 key takeaways from the war in Ukraine”, 2 march 2023.
[67] Ce front mesurait alors 750 km, celui de l’Ukraine 1 200. Le Nord de la France avait perdu les deux-tiers de son patrimoine architectural et de grandes « zones rouges » interdites y persistent, plus d’un siècle après. Ce sera le cas en Ukraine, mais le minage et les produits utilisés sont tels qu’une grande partie du territoire sera pollué et dangereux encore bien plus longtemps qu’ici.
[68] Cf. à ce sujet les carnets de guerre #3, #4, #13 et #15 aisément accessibles sur Internet.
[69] Les usines à trolls n’ont fait que moderniser cette pratique.
[70] Dans les années 1970 encore, des revues et des écrivains célèbres sont allègrement passés d’un stalinisme bon teint à un autre : le maoïsme. Dans l’un et l’autre cas, les millions de morts de ces dictatures, ne comptaient pas devant « le grand bond en avant » acquit par ces peuples grâce à une l’industrialisation massive et à la prolétarisation violente des paysanneries.
[71] Qualifiée en 2003 par l’ONU de « Ville la plus détruite sur Terre ».
[72] Le film « 20 jours à Marioupol » de Mstyslav Tchernov, 2023 est à voir absolument malgré sa dureté. https://vu.fr/pplYc
[73] Des vidéos montraient comment son chef, Prigojine, recrutait lui-même les condamnés rassemblés dans les cours des prisons, c’est-à-dire que ce genre d’enrôlement mettait de facto hors-jeu les services pénitentiaires, la Justice et la loi avec l’accord de V. Poutine qui était sensé gracier les rescapés. Cela en dit déjà assez sur le type d’Etat et de régime qui règnent en Russie. C’est une étude abordée dans le Carnet de guerre #7 intitulé « Trente et une thèses sur la Russie post-soviétique » et sur laquelle il nous faudra revenir.
[74] Au point d’en faire le pays le plus miné au monde : Cleaning the Augean Stables : Humanitarian Demining in Ukraine, PDF, Luliia Osmolovska et Nataliia Bilyk, GLOBSEC, Ukraine and Eastern Europe Program, January 2024, rapport de 44 p.
[75] Ce sont quelques unes des « absences d’anticipation » qui ont coûté son poste de chef d’état-major au général Zaloujny le 8 février 2024. Par ailleurs, l’interview donnée le 1er novembre 2023 à The Economist fut une faute militaire et politique grave : d’une part elle n’a visiblement pas fait l’objet d’une coordination avec la présidence ukrainienne, d’autre part, elle dévoilait les points faibles ukrainiens.
[76] Les Européens ont voté les 50 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine, mais pour quel emploi ? « Il est important de noter que l’Ukraine n’est pas autorisée à utiliser cette aide financière pour ses besoins militaires. Aussi surprenant que cela puisse paraître, deux ans après le début de l’invasion russe de l’Ukraine à grande échelle, l’Occident refuse formellement de financer la guerre. Par conséquent, l’Ukraine ne peut couvrir ses dépenses militaires qu’avec les recettes provenant des impôts, des droits de douane, des dividendes des entreprises publiques, des emprunts intérieurs (tels que les obligations militaires) etc. » Pavlo Kalashnyk, “Your wallet or your life : Ukraine is faced with a hard choice between military necessity and economic recovery”, The Insider, 4 March 2024.
[77] La Vigie, Bilan hebdomadaire (guerre d’Ukraine) n° 82 du 18 février 2023 et Trading Economics, Switzerland Exports to Uzbekistan, 2024 Data 2025 Forecast 1993-2023 Historical.
[78] Cf. le Carnet de Guerre #11 « Les Sanglantes moissons de l’Holodomor ou La précédente tentative d’extermination du peuple ukrainien », sept. 2023.
[79] Julia Pascual et Faustine Vincent, « En Ukraine, entre trois et quatre millions de personnes ont dû quitter leur domicile, détruit par un drone ou une roquette », Le Monde 26 janvier 2024. Amandine Hess, « Ukraine : le bilan de deux ans de guerre en chiffres », Euronews, le 24/02/2024. Du côté russe 150 000 morts et 300 000 blessés à fin mars 2024. Estimations : Mediazona & BBC News Russian, A. Xerri avec AFP, « Invasion russe. Dans une enquête commune, Mediazona et BBC News Russian établissent, semaine par semaine depuis l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022, une liste des victimes du conflit », L’Express, 22-02-2022. Air et Cosmos, Xavier Tytelman, janvier 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=C1WCDRMBjSg et « Affaires étrangères » émission de France Culture, 24 février 2024 et The Insider, https://theins.ru/en/news/250063
[80] « Expliquez-moi pourquoi Kiev est toujours debout. Pourquoi cette ville nazie n’est toujours pas rasée ? […] Cette ville doit tout simplement être anéantie. Tout doit disparaître de la surface de la terre. » Et le présentateur Sergueï Mardan de préciser le programme : « L’Ukraine doit devenir un monceau de décombres… Toute l’Ukraine sera méthodiquement transformée en une zone sanitaire, c’est-à-dire un territoire de guerre, où il n’y pas d’électricité, pas de ponts, pas de chemins de fer, pas de transport, pas de canalisations, pas de services d’urgence, pas d’hôpitaux capables de fonctionner. Bref une zone d’exode de masse… Parmi les dirigeants russes il n’y a plus de parti de la guerre, de parti de la paix. Il n’y a plus que le parti de la vengeance… ». Propos rapportés par Françoise Thom dans un article intitulé « La grande imposture russe », le 14 avril 2024, Desk Russie.
[81] Un discours commun en Allemagne, avant même l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Cf. l’annexe « De l’eugénisme au nazisme (1868-1939) », déjà citée.
[82] Y compris dans l’armée. Bon article d’Antoine Izambard et Vincent Lamigeon, « Russie : révélations sur ces militaires français sous influence », Challenges, le 27.04.2023.
[83] Les proches des dizaines de milliers de victimes des précédentes guerres de Poutine ont dû apprécier cette mansuétude occidentale à sa juste valeur.
[84] Nous avions déjà pointé les « raisons capitales » de cette hypocrite amnésie dès le premier « Carnet de guerre ».
[85] Concernant l’Otan, le « Carnet de guerre #1 » intitulé « Notes sur l’invasion de l’Ukraine » fait une analyse critique des agissements de cette alliance. Reste que les dépenses de l’Otan ont peu évolué entre 2012 (997 Mds $) et 2022 (1051 Mds $) selon cette organisation, alors que depuis l’an 2000, selon l’Institut national de recherches pour la paix de Stockholm, les dépenses militaires de la Russie ont bondi de 227 % et celles de la Chine de 566 %. En 2022, les dépenses militaires de la Russie s’élevaient à plus de 86 Mds $, soit un doublement du budget depuis 2007. Il sera en hausse de 68% en 2024 avec 115,5 Mds $ votés par la Douma, soit 2,7 fois plus important qu’en 2007.
[86] Le « Mouvement pour la Paix » n’est qu’un reste décati des courroies de transmission du Kremlin et de ses succursales.
[87] Et décidemment, il semble que cet état d’esprit soit moralement et politiquement indémodable dans ce pays. D’autre part, ceux qui ont depuis longtemps déshonoré l’historiographie française et jurent leurs grands dieux que le rappel des reculades à répétition devant Hitler avant, pendant et après les accords de Munich (1938) n’a pas de raison d’être aujourd’hui, ont encore et toujours les yeux fermés et les oreilles bouchées alors qu’en 1972, l’historien Robert Paxton – La France de Vichy. 1940-1944, Le Seuil – leur avait déjà fait remarquer que « le silence français de trente ans » n’avait que trop duré, s’agissant de la collaboration.
[88] Stéphane Audoin-Rouzeau, « Nous avons malheureusement besoin d’une défaite russe décisive en Ukraine », Médiapart, 13 février 2023. Notons que c’est exactement ce qu’avance, au même moment un autre historien, Timothy Snyder, in Le Monde du 7 avril 2023 et Géo du 10 avril 2024.
[89] Notamment celle de leur résistance tardive : il y eût en France entre 4 000 et 7 000 fusillés par les nazis, ce qui n’a pas empêché le PCF de se baptiser « le parti des 100 000 fusillés » et plus récemment, celui des 70 000 fusillés seulement…