On colporte encore que "le Punk n’est pas mort", mais bon nombre de ses "rebelles" se sont reconvertis ou ont pris de l’embonpoint à force de bière, de renoncements ou de désillusions. Mis à part quelques expériences comme à Reykjavík entre 2010 et 2014 [1], l’anarcho-punk tendance politique peine encore à (dé)montrer une vivacité et une réalité, qui dépasseraient la nostalgie ou des démonstrations "viriles". Ses "cris et hurlements graphiques" se sont étouffés dans des musées [2]. La mode a recyclé les épingles à nourrice, les crêtes et les Doc Martens qui sont à présent en couleurs ou à fleurs. Le "D.I.Y ” (qui lui est injustement attribué) [3] est repris par les Bobos et "no future" s’est intégré dans les dictionnaires. Quant au Punk-Rock, il tourne toujours en boucle sur trois accords…
Rendez-vous à Camden en 2016
Au-delà de ces constats et de l’éventuelle question de savoir ce qu’il reste du Punk, rendez-vous est donné le 26 novembre prochain, dans le quartier Camden de Londres, où sera célébré le 40ème anniversaire d’ "Anarchy in the U.K. ".
Mais ne nous méprenons pas. Dans cet ex-quartier alternatif de la capitale Britannique, ce n’est pas tant le Punk qui sera à la fête que sa valeur marchande et son image commercialisées. Depuis des années, cette "contre-culture capitalisée" s’étale dans les linéaires des magasins, comme elle le faisait "à l’époque", dans des boutiques, sous la férule de Malcolm McLaren et de Vivienne Westwood pour qui "le punk n’était qu’une opportunité commerciale " [4] :
En 1978 CRASS chantait "Punk is dead".
En 2016, Londres le prouve !
En 2016, Sid Vicious aurait eu la soixantaine et Londres organise le Punk London (ou 40ans ans de culture subversive), avec au programme des concerts, des films, des expos, des friperies et un tas d’événements DIY. La vénérable organisation Historic England (ex-English Heritage), dont la mission est de protéger le patrimoine culturel du pays, a décidé que le 6-7 Denmark St, à Soho, où vécurent les Sex Pistols, devait être classé. Le bâtiment serait "un lieu d’importance capitale dans l’Histoire du Royaume". Pour le "très sérieux" Times, qui soutient cette initiative, ainsi que le gouvernement Cameron (CQFD) : "Johnny Rotten et Sid Vicious font partie d’une grande tradition".
Sur les murs, on trouve encore des graffitis réalisés par Johnny Rotten ; ceux où Sid Vicious a une paire de couilles velues en guise de joues ; de Nancy Spungen (la copine de Sid Vicious), à poil, les yeux explosés par les drogues ; ou encore Malcolm McLaren (manager du groupe), brandissant une liasse de billets.
Parrainée par Boris Johnson (maire de Londres ) et le Heritage Lottery Fund (loterie nationale), cette initiative froisse Joe Corré, le fils de Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, qui menace de brûler sa collection de souvenirs punk, d’une valeur de 5 millions de livres (plus de 6 millions d’euros), pour protester contre cet hommage qu’il juge "déplacé".
Joe Corré et LE single d’ "Anarchy in the U.K. "
Restent les Sex Pistols, sur des cartes de crédit
Entre marchandisation du Punk, classement d’appartement pour raisons touristico-financières, menaces de crémation de reliques, un capitaliste décomplexé à fait sienne la vieille formule d’Anaxagore [5] : "Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau " [6]. En juin 2015, Virgin Money (société de Virgin Group dirigée par Richard Branson qui signa les Sex Pistols en 1977 sur son label Virgin Records) , lançait des cartes de crédit reprenant les visuels d’albums des Sex Pistols, Never Mind the Bollocks et du single "Anarchy in the U.K." [7]
Pour Michele Greene, la directrice du département des cartes bancaires de Virgin Money, "les Sex Pistols ont bousculé les conventions et les manières de penser, tout comme nous le faisons aujourd’hui en secouant le secteur bancaire britannique ". Un banal coup de marketing qui fit réagir des internautes : "Qu’est-ce que je déteste le marketing ! ", "La ringardise absolue " ou "Est-ce que vraiment plus rien n’est sacré ? ".
"Anarchy in U.K.ulélé" …
Alors, en attendant le grand brasier promis par Joe Corré qui invite tous ceux qui, comme lui, pensent que "le punk est devenu un putain de musée", ne serait-il pas "secouant " de célébrer les 40 ans d’ "Anarchy in the U.K. " avec une version "so british" qui aurait pu trouver toute sa place dans l’univers des Monty Python ?