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Non rentables, unissez-vous !
jeudi 7 juillet 2011, par
Le capitalisme n’est pas une chance, c’est une menace pour l’humanité. Même beaucoup de ceux qui se trouvent bien placés commencent à le constater.
La logique subjacente à ce système est d’autant plus simple que brutale : finalement, le droit à l’existence est garanti seulement par ce ou par celui qui est rentable. Et le lucre par lui-même ne suffit pas, il doit se déplacer à la hauteur du standard de rentabilité, dont le niveau, en termes capitalistes-financiers, se place de plus en plus haut.
Cela signifie deux choses : premièrement, le capital possède une avarice insatiable de travail humain, qui doit se transformer, en plus de capital, en fonction de la fin en soi-même de la valorisation irrationnelle. De ce point de vue, les personnes sont du matériel,“main d’œuvre”, et rien d’autre.
Deuxièmement le travail n’est “valable” qu’en fonction de la rentabilité. L’avarice capitaliste d’exploiter la force vitale humaine oblige à suivre ce mécanisme. D’une certaine façon, cette brutalité essentielle est aux aguets dans l’inconscience de l’ordre du système. Elle est si terrible que personne ne veut la voir, aucun gérant, aucun politique, aucun idéologue. Mais elle existe et elle dit jusqu’à ces dernières conséquences : tous ceux qui n’ont pas de capacité de travail sont, par principe, des vies sans valeur. Ainsi serait la vie de tous les enfants et adolescents, qui ne sont pas encore en age de travailler, sauf si on les exténuait comme matériel de travail aussitôt qu’ils pourraient marcher ; tous les malades, les handicapés, etc. qui ne représentent que des dépenses.
Et, évidemment, toutes les personnes âgées qui n’ont plus la capacité de travailler et auxquels on appliquerait le même critère, sauf si elles étaient utilisables pour quelque chose même sur son lit de mort. Finalement, il y aurait les chômeurs, qui deviennent des “excédents”. La logique capitaliste confère cette sentence non seulement aux individus, mais aussi aux respectives sphères et institutions : la formation, l’éducation, les services sociaux, les services sanitaires, l’art et la culture, etc. semblent des dépenses mortes, qui devraient être éliminées. Evidemment, une n’importe quelle société qui appliquerait cette logique entrerait immédiatement en collapsus. Mais il s’agit de la logique du capital, aveugle et insensible comme un processus physique. Il faut tromper le capitalisme d’une certaine manière pour qu’il laisse vivre l’humanité comme matériel pour ses propres insatiables exigences.
Originalement, la survie dans ce contexte, et avec les “besoins non-rentables", était uniquement la besogne des femmes. Le procès de valorisation n’a pas méprisé la chair féminine, c’est à dire, "le nerf, le muscle, le cerveau" (Marx). Néanmoins, on impose après aux femmes une double charge. De même dans les sociétés capitalistes d’Etat de l’ancien bloc de l’Est, dans les centres occidentaux ou dans les bidonvilles du Tiers-Monde : après la journée de travail, le vrai travail commençait et commence avec le travail de reproduction pour la partie de la vie "sans valeur" du point de vue capitaliste. Les femmes seules auraient succombé depuis longtemps sous ce poids ou bien la société aurait du être dissoute. C’est pour cela que l’Etat a du créer additionnellement les aires secondaires, dérivées de la “vie sans valeur” hors de la rentabilité par moyen des impôts, contributions et systèmes de sécurité, donc, d’une certaine façon, par moyen de la ”saignée” du processus rentable de valorisation. S’il allait assez loin, cela était vu comme plus ou moins "social". Et la critique historique du capitalisme se limitait en grande mesure à l’ampleur de la saignée, pendant que la terrible logique de base demeurait intacte et à l’ombre. Cela était possible (avec les interruptions des crises) pendant que le processus de valorisation était historiquement en hausse et pouvait absorber chaque fois plus de travail rentable. Mais avec la troisième révolution industrielle, cette expansion a été stoppée. Le niveau de rentabilité est trop élevé, et laisse en marge trop de personnes capables de travailler. En conséquence la saignée de la valorisation pour les aires secondaires s’épuise.
Jusqu’à présent cachée, la tête de méduse intrinsèque à la logique capitaliste devient visible. Dans le monde entier, les “non-rentables” doivent expérimenter la respective "dévalorisation de la vie" absolue ou relative. Cela concerne tout d’abord, avec de graves conséquences, les chômeurs de longue durée, les enfants, les adolescents, les malades, les handicapés et les personnes âgées.
En fonction du pays et de la situation du marché mondial, cela se produit avec plus ou moins de vitesse, mais on marche inexorablement dans cette direction. Aussi en RFA, maintenant seulement relativement "riche" dans le sens capitaliste : on va réduire les prestations de la sécurité sociale, les soins médicaux, l’assistance aux malades et personnes âgées diminue, on porte atteinte aux aides sociales, on ferme les crèches.
Dans les écoles le mortier tombe des murs, le matériel didactique vieillit et il pourrit. Et on ne voit pas la fin des nouveaux projets de découpage.
Silencieusement on est en train d’ensevelir toute la production sociale.
L’"Agenda 2010" est un agenda de la démence de la rentabilité qui ne reconnaît aucune barrière sociale ou morale, car son champ d’action est devenu trop étroit. Les classes politique et économique ne reviennent que sur la sourde physique sociale capitaliste. Et la vieille et délaissée critique du capitalisme, limitée à la simple saignée de la valorisation, décline. Les vieux spécialistes de l’amélioration sociale se sont recyclés pour la limitation cosmétique des dégâts dans les détériorations. Les supposés fossoyeurs du capitalisme sont devenus des auxiliaires des fossoyeurs de la société humaine. Sous ces circonstances historiquement nouvelles, l’ancien rôle syndical social-démocrate, en termes de son contenu social, s’est transformé en son contraire.
Il serait flatteur de nommer engagement corrompu le résultat de la faible révolte contre l’"Agenda 2010", qui est par malheur prévisible. Là où la capacité de gouverner devrait être sacrifiée au nom de la résistance sociale, au contraire, on sacrifie la résistance sociale au nom de la capacité de gouverner. Mais les choses ne se limitent pas à l’Agenda. Ce que l’on veut vendre comme sacrifice pour la supposée maintenance substantielle des aires vitales “non rentables” c’est seulement une partie du chemin vers l’impasse historique du cannibalisme capitaliste. Ce système ne se laisse plus duper dans sa biophobie. Le principe absurde de rentabilité doit tomber :
Non rentables, unissez-vous !
Robert Kurz 02-05-2003