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Couronnes de voyous

Couronnes de voyous

lundi 2 novembre 2020, par Contribution


Trajectoire classique de nantis : un escroc royal à la retraite fuit son pays, avec son magot

Le 3 août 2020, le ci-devant Juan Carlos, roi retraité d’Espagne (sacré « émérite » en 2014 par la grâce du ministre Rajoy), placé sur le trône par la seule volonté du dictateur Franco, fuit son pays et la justice sous les accusations de corruption, détournement et blanchiment. Son grand-père Alphonse le Treizième avait déjà fui hors du pays natal en 1931 – exilé dans un palace de la Rome de Mussolini, sous la poussée des républicains espagnols.
Le petit-fils d’Alphonse a prétendu s’expatrier pour ne pas « gêner le travail » de son rejeton Philippe le Sixième, roi régnant actuellement depuis l’abdication de son père. Alphonse le Treizième avait rallié l’Italie fasciste – où devait naître d’ailleurs, en 1938, son illustre fiston (dont on murmurait cet été qu’il pourrait poser ses bagages au Portugal ou en République dominicaine). Un journaliste de télévision (Jordi Évole) a ironisé sur l’éventualité d’un atterrissage du royal fuyard dans une république… Un comble. Depuis, le voyou couronné a plutôt fait confiance à ses collègues d’Abu Dhabi, émirs, milliardaires et criminels planétaires.
Pour simplifier l’information et souligner les trajectoires historiques, il faut redire que Franco a assassiné la République espagnole en 1939, pris sous son aile paternelle le futur Juan Carlos et rétabli par la force des armes cette monarchie des Bourbons, dégagée par le peuple en 1931.
Deux jours après la mort du caudillo (20 novembre 1975), Juan Carlos le Premier s’asseyait à la place toute froide de son parrain, avec l’onction de la galaxie franquiste orpheline. Il serait définitivement adoubé deux ans plus tard et empoignerait les rênes du pays avec les révérences, cette fois, des partis de droite et des gauches socialiste et communiste (pacte de la Moncloa, 1977), pour conduire depuis la plus haute chaise de l’État la « nouvelle démocratie ».

La monarchie voulue par le dictateur sombre dans le scandale de la corruption et du blanchiment d’argent sale ; la fille du voyou royal, princesse et sœur du roi actuel Philippe le Sixième, avait déjà, elle aussi, plongé ses mains dans les pesetas, les dollars et les euros en marge de la légalité. Il est sans doute temps d’ouvrir une réflexion sur le régime né dans les décombres franquistes...
L’histoire a parfois des rebondissements savoureux : l’Espagne vient donc de vivre le dénouement provisoire d’une escroquerie politique et historique, le point final d’un parcours pseudo démocratique, avec la piteuse fuite du successeur du dictateur généralissime. Juan Carlos le Premier rejoint ainsi, en quelque sorte, l’immense cohorte des exilés espagnols : pourvu qu’une association mémorielle quelconque l’assure de sa bienveillance…
Plus sérieusement, que ces familles engalonnées et décorées comme des arbres de Noël soient au-dessus des vastes populations, comme des crèmes de compétence, savantes de la chose sociale ou politique, indispensables tuiles faîtières, cultures inouïes et supérieures, soient irremplaçables et se payent sur le dos de la bête populeuse et sa société, parlementaire ou non, est une idée de génie. Elle s’impose à tous les coquins et les pauvres d’esprit, les gens de robe et les gens d’armes, les foutriquets et les dévots, les braves gens et les sales types… C’est une misérable prestidigitation historique qui dure – il faut dire enfin l’évidence – et gave des voyous chanceux, des voleurs, des manipulateurs habiles, une secte de fin de race qui n’en finit pas de finir…
Ce qui vaut pour l’Espagne vaut tout aussi bien pour le Royaume-Uni, la Belgique, la Thaïlande ou les pays scandinaves, quelles que soient les qualités humaines des acteurs et des actrices qui endossent le rôle : l’histoire de ces pitres couronnés a débuté par des coups de force, des prises de possession abusives et des actes souvent criminels. Les multiples parlementarismes des républiques de la planète frôlent ici ou là des directions autoritaires, voire brutales, où la corruption se cache derrière la finance et/ou la force armée. C’est dit.
« Le roi est nu », comme Andersen le fait dire à un enfant dans son conte Les habits neufs de l’empereur ; il doit donc redescendre de son fauteuil ridicule : les spectacles absurdes et minables des monarchies ne sont qu’une vieille et vaste escroquerie et une atteinte à l’intelligence de l’humanité.

NB. – Andersen disait à qui voulait l’entendre que son conte était inspiré d’une histoire… espagnole.

Serge Utgé-Royo, Confinement d’automne 2020