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CARNETS DE GUERRE #11
jeudi 7 septembre 2023, par
LES SANGLANTES MOISSONS DE L’HOLODOMOR
ou La précédente tentative d’extermination du peuple ukrainien [1]
Jean-Marc Royer
La guerre totale menée par Poutine, cette violence générale et planifiée contre la population ukrainienne qui s’accompagne d’un discours publiquement exterminateur, rappelle inévitablement la grande famine organisée par l’appareil stalinien en 1933. Bien que le discours et les moyens employés ne soient pas identiques, c’est l’existence même de ce « peuple » [2] qui est de nouveau mise en péril.
Aucune réflexion politique ou philosophique digne de ce nom ne peut s’abstraire d’un retour sur l’Histoire, surtout lorsque tout un « peuple » en a fait les frais jusque dans sa chair durant des décennies.
Depuis que Staline avait lancé en 1929 le « grand tournant » de la collectivisation en Urss, le pouvoir central prélevait une part de plus en plus importante de la production agricole. Une des conséquences en sera la déportation de plus de 2 million de « koulaks de première et deuxième catégorie [3] » entre 1930 et 1931, tandis que 25 millions de personnes fuyaient les campagnes, beaucoup s’embauchant sur les chantiers du premier plan quinquennal pour survivre [4]. En Ukraine, la ponction s’élevait à 30 % en 1930, à 41 % en 1931 et pour 1932, le plan prévoyait un prélèvement de 55 %. Un « grand bond en avant », en quelque sorte… Mais, outre que le pays était vu comme un grenier à blé et le Donbass comme un bassin minier de première importance [5], il ne faudrait pas oublier qu’il était un point stratégique commandant la route du pétrole Caucasien, ce que les nazis convoitèrent également, huit ans plus tard.
C’est en juillet 1932 que la Némésis stalinienne cristallise
En janvier 1932, Staline envoie Molotov, un des cinq membres de son premier cercle [6], en Ukraine. Il y « supervisera » la troisième conférence du PC ukrainien au début du mois de juillet avec Kaganovitch (autre favori), auquel Staline écrit dans une longue lettre du 11 août : « l’Ukraine est désormais la principale question ; le Parti, l’État, les organes de la police politique de la république sont infestés d’agents nationalistes ou d’espions polonais […] ; nous courons le risque de perdre l’Ukraine, qu’au contraire, il faut transformer, dans les plus brefs délais, en une véritable forteresse de l’Urss » [7]. En octobre il envoie ces deux personnages comme « ministres plénipotentiaires », dans le but de « briser le sabotage koulako-petliourien » (du nom d’un leader ukrainien assassiné par la Guépéou [8] à Paris en 1926).
Le 22 octobre, le Politburo du PCUS envoie une commission extraordinaire, dirigée par Molotov, pour « intensifier les collectes ». Celui-ci exige l’application « impitoyable » de la loi du 7 août sur le « vol ou la dilapidation de la propriété socialiste » qui prévoit des peines allant de dix ans de « privation de liberté » à la condamnation à mort. Dans ce cadre, plus de mille « brigades de fer », composées de membres de la Guépéou, du PC et des Komsomol [9], sont envoyées dans les campagnes afin d’y réaliser « les objectifs du plan ».
Photo clandestine prise par Alexander Wienerberger [10].
Lors des perquisitions, parfois simultanées dans l’ensemble du village, tout ce qui était consommable (et le reste) était « confisqué » puis revendu, évidemment. Des villages entiers sont déportés : il s’agit de briser toutes les formes de solidarité et de montrer aux paysans récalcitrants qu’ils n’ont aucune échappatoire possible. En novembre, le sous directeur de la Guépéou, Vselovod Balitski, arrive en Ukraine : dans la dernière partie de 1933, la Guépéou procèdera à plus de 220 000 arrestations, et plus de 122 000 condamnations seront prononcées par des juridictions d’exception itinérantes contre « les saboteurs du plan de collecte et les voleurs de la propriété sociale ».
Le 27 novembre 1932, Staline se sent mis en question dans les plus hautes instances du parti quant à la collecte du blé ; il réplique en visant les « contre-révolutionnaires » de tous poils (à bon entendeur…), auxquels il serait nécessaire de répliquer par un « coup dévastateur » [11].
Le 14 décembre, le Politburo, sur proposition de Staline, condamne la politique d’Ukrainisation menée depuis 1923 dans le but de promouvoir la langue, la culture et l’autonomie ukrainiennes. On lit dans ce document que, « loin d’avoir affaibli le sentiment national, cette politique l’avait au contraire aidé à se développer, en produisant des ennemis possédant même la carte du Parti en poche ». Quelques semaines plus tard, sous la poigne féroce d’un Pavel Postychev – autre proche de Staline – accompagné de centaines de cadres, ce fut le début d’une purge des « nids de contre-révolutionnaires nationalistes » tels que les commissariats à l’éducation, à l’agriculture et à la justice, les journaux, les revues, les encyclopédies et les studios de cinéma, purge au cours de laquelle plus de 15 000 fonctionnaires ont été éliminés pour « nationalisme ». Des milliers d’auteurs, d’érudits, de philosophes, d’artistes, de musiciens et d’éditeurs ont été déportés dans des camps de travail, exécutés ou ont tout simplement disparu. L’usage de la langue ukrainienne dans les écoles, et les cours d’histoire et de langue ukrainiennes dans les universités seront finalement interdits.
Dans la nuit du 20 décembre, sur une proposition de Kaganovitch (autre favori de Staline), le Politburo ukrainien s’engage à réaliser de nouveaux objectifs dans le domaine des collectes de céréales. Neuf jours plus tard, on déclara que la « pré-condition nécessaire » pour atteindre de tels objectifs était la découverte et la saisie des « réserves alimentaires familiales ».
« Même si nous sommes confrontés aujourd’hui au spectre de la famine, surtout dans les zones productrices de céréales, […] les plans de ramassage doivent à tout prix être respectés ». Molotov [12]
Le 1er janvier 1933, Staline envoie un télégramme au PC ukrainien lui enjoignant d’accroître la répression des paysans. Immédiatement après, Staline et Molotov ordonnent à la Guépéou d’arrêter et de déporter les paysans d’Ukraine et du Kouban (une région majoritairement ukrainophone du Caucase du Nord) qui fuient la famine, les accusant de répandre une information « contre-révolutionnaire et mensongère ». Le 15 mars, le premier secrétaire du Parti communiste ukrainien, Stanislas Kossior, écrit à Staline : « Les camarades qui sont allés sur place, dans les villages de la région de Kiev, remarquent que les paysans ne disent plus “le pain a été confisqué”, ils reconnaissent qu’ils sont coupables d’avoir mal travaillé […] Cependant, la préparation insatisfaisante de la campagne de semailles en cours montre que la faim n’a pas encore porté tous ses fruits et ne semble pas encore avoir fait prendre le bon chemin, celui du travail honnête, à la majorité des kolkhoziens » [13].
« Aucune aide n’est prodiguée aux affamés, on les empêche aussi de fuir ; certains parviennent néanmoins en ville ; en juillet 1933, la police en ramasse deux mille par jour à Kharkiv et les jette dans des ravins, à quatre heures de la gare la plus proche ; les morts ou les moribonds, on les décharge dans des fossés et on les enterre vivants. […] À force d’ingurgiter un "pain" à base d’écorce de bouleau et de lichen, ailleurs un pain qui contient du bois, de la paille hachée, un épi entier et de la ficelle, on s’expose à la péritonite, à la malaria, au typhus : on en recense près de trois cents nouveaux cas par jour à Kharkiv au début de décembre 1933 […]. Des parents abandonnent leurs enfants en ville, en se raccrochant à l’espoir qu’une bonne âme les recueillera, et s’en retournent mourir au village. […] Certains parents en arrivent à tuer leurs enfants et à les manger, d’autres assassinent voisins et passants trop faibles pour se défendre, puis consomment ou vendent leur chair [14].
« Les cas de mortalité ne sont que le résultat de la sélection naturelle dans la lutte pour le socialisme ». Contrôleur des « brigades de fer » [15].
C’est au printemps de 1933 que la famine fut à son apogée
A ce moment-là, plus de 15 000 morts par jour sont dénombrés et le cannibalisme devient un fait courant. Entre 1932 et 1934, 3,9 millions [16] de personnes meurent ainsi affamées par l’acharnement de la Guépéou et des « brigades de fer » à saisir les dernières réserves de nourriture, à piller les étables et les maisons [17], à détruire les vergers, les potagers et les poulaillers, à encercler les villages et barrer les routes menant aux villes. La famine s’accompagne de la destruction des liens sociaux dans les communautés rurales et d’une formidable montée de la violence quotidienne qui se généralise : attaques à main armée, règlements de comptes, lynchages de voleurs, essor du brigandage, etc.
Les arrestations, les condamnations massives, les exécutions sommaires, le blocus des campagnes, les pillages sous couvert de « confiscation punitive », l’organisation de la famine et les déportations sont sciemment utilisés comme une arme absolue pour détruite toute forme de résistance des campagnes. Les ramener à une simple « collectivisation forcée de la paysannerie Ukrainienne » ce serait donner un alibi à l’appareil stalinien qui classait ces dénis du droit, ces déportations et ces massacres de masse dans les « inévitables dégâts inhérents à la construction du socialisme dans un pays arriéré » (c’est-à-dire de paysans, lesquels étaient en grande partie les dépositaires des traditions, de la musique et de la langue à ce moment-là). Selon une de ses expressions favorites, Staline ne se préoccupait jamais des « éclats qui volent quand on taille le bois ». En fait d’avènement d’une société nouvelle et d’un « homme nouveau » tels que proclamés dans la propagande, il s’est agit d’une formidable régression anthropologique puisque les morts n’avaient plus de sépulture, les enfants étaient abandonnés et l’anthropophagie s’était répandue.
12 mars 1933. Document n° 184 : lettre du département régional de Kiev au chef du DPU de l’Urss sur la situation alimentaire difficile, l’augmentation de la mortalité dans certains districts de la région et les mesures d’assistance à la population.
Dans les villages touchés par le cannibalisme, l’opinion se renforce chaque jour qu’il est possible de manger de la viande humaine. Cette opinion se répand surtout parmi les enfants enflés et affamés. Au cours de la période du 9 janvier au 12 mars dans les districts de la région de Kiev, il y a eu 123 cas de cannibalisme. Ces chiffres sont en dessous de la réalité, car nous n’en avons pas une connaissance exhaustive.
Je n’en donnerai que quelques exemples. La mère ou le père tue le jeune enfant, ils mangent sa viande et nourrissent les autres enfants avec la même viande. Beaucoup font des "réserves" et salent la viande dans des fûts.
Quartier de Volodarsky. (Avec Rudoye). Laissant 3 jeunes enfants à la maison, l’unique propriétaire Ya a quitté le village. N’ayant absolument rien à manger, en accord avec sa sœur aînée, un garçon de 9 ans a tué sa sœur de 3 ans, après quoi ils lui ont coupé la tête et ont mangé la viande crue du cadavre de leur jeune sœur.
Quartier Chernyakhovsky. (Avec Andreïev). Le pauvre homme est mort à cause de la malnutrition. Le cadavre est resté dans la chambre pendant une journée. Les 2 enfants restants - 8 et 11 ans - n’avaient rien à manger du tout. Le garçon de 11 ans a ouvert le ventre de son père décédé avec un couteau, en a sorti l’intérieur et l’a fait cuire. Les voisins l’ont découvert et le cadavre a été retiré de l’appartement en temps opportun [18].
Malgré les nombreuses alertes des diplomates italiens, anglais et allemands envoyées à leurs ministères respectifs, les gouvernements français et britannique bloquent toute discussion à la Société des Nations, tandis que les opinions publiques occidentales ne s’émeuvent pas outre mesure de ce qui se passe en Ukraine. Par la suite, aucun travail de mémoire n’a été entrepris à ce sujet en Urss – du moins jusqu’à la fondation de Mémorial [19] en 1989 – c’est-à-dire plus de deux générations après ces massacres ; encore que la parenthèse de la Perestroïka se soit vite refermée, ce qui n’a pas permis que la majorité de la population russe se saisisse de ce travail sur les archives staliniennes pour effectuer un retour réflexif sur ces massacres. Nous pensons, à contrario, au travail qui avait été initié en Afrique du Sud par la « Commission de la vérité et de la réconciliation » concernant les décennies d’apartheid dans ce pays.
Les dégâts d’un colonialisme pérenne
La famine de la paysannerie ukrainienne organisée par l’appareil stalinien à la fin de 1932 eut pour justification politique (à ce moment-là et ultérieurement) les arguments suivants : « Il fallait extraire des campagnes un tribut suffisant afin de mettre en place l’accumulation socialiste primitive nécessaire à la construction de l’industrie soviétique » (grâce à l’Etat-parti et ses appendices, ce qui, en retour, deviendra une des sources majeures de corruption généralisée) ; « l’individualisme paysan retarde l’avènement du socialisme » et le « nationalisme ukrainien s’oppose à la construction de l’Urss ». Autant de billevesées érigées en dogmes du marxisme-léninisme » à la sauce stalinienne dont la reprise dans certains ouvrages récents est plus que surprenante.
Évidemment, dans un pays très majoritairement rural en 1930, il fut aisé d’attribuer toutes les tares aux paysans, notamment d’être par essence nationalistes et par extension de faire de l’Ukraine « l’obstacle majeur à l’avènement du socialisme ». Cette version stalinienne de l’histoire a enrobé du prestige politique du communisme ce qui doit être en réalité rapproché des énormes désastres provoqués par toutes les formes de colonisation, à savoir : un anéantissement de toutes les formes organiques de l’existence, un démembrement rapide et violent des communautés, une déstructuration des liens sociaux majoritaires, des rapports au Monde, à la Terre, au vivant, et finalement une régression anthropologique majeure. Même s’il a changé de nature [20], ce colonialisme intérieur et extérieur a perduré en Urss jusqu’en 1991 sous la forme d’un échange inégal organisé par le Comecon, organisme de « coopération économique » créé par Moscou, en janvier 1949.
D’autre part, « le nouveau servage instauré par les kolkhozes », selon les mots de Gorbatchev, a été à l’origine de la mort des villages – un apartheid que le système des passeports intérieurs, mis en place le 27 décembre 1932 en Ukraine, a pérennisé – avec son cortège d’errances, d’aliénations, d’alcoolisme comme ce fut le cas dans les « réserves amérindiennes » des États-Unis.
Il s’écoulera encore beaucoup de temps avant que les historiens européens conçoivent pleinement la famine et ses conséquences [21].
La question historiographique, encore et toujours
En s’appuyant sur les documents existants – dépêches diplomatiques, comptes rendus de voyageurs, témoignages des victimes [22] –, nombreux étaient les témoins dont les dires pouvaient être vérifiés. Mais il reste stupéfiant de voir le peu d’intérêt que l’on a porté à ce sujet durant des décennies en Occident [23]. Heureusement, la publication d’un ouvrage sérieusement documenté peut parfois permettre de soulever ces voiles d’oubli : n’oublions pas que ce fut le cas en France, lorsqu’est paru livre de Robert Paxton qui étudiait la collaboration avec les nazis [24] et c’est également ce qui s’est produit avec celui de Robert Conquest, édité en 1986 et intitulé « Sanglantes moissons » [25] (traduit en français en 1995). Plus tard, c’est ce qui conduira l’historien Timothy Snyder à définir « l’Ukraine, cette grande région au cœur de l’Europe, comme une Terre de sang ». Comme Paxton, Conquest a contraint une profession réticente à se pencher sur un évènement historique de première importance laissé dans l’ombre. Et comme ici, les historiens commencèrent alors à prendre conscience des dimensions humaines et politiques de cette extermination par la faim.
Reste qu’en Occident, et probablement aussi dans les pays qui faisaient autrefois partie du « glacis soviétique », ce travail de mémoire peut encore présenter certaines difficultés parce qu’il intervient après que « la mémoire collective » d’une époque fut façonnée en excluant les crimes soviétiques et l’Holodomor. Cela tient à l’idéologie stalinienne qui perdura longtemps à l’échelle internationale et au verrou mémoriel imposé par cette bureaucratie tentaculaire.
Il découle de cette analyse qu’un concept important, celui de « Guerre de trente ans » (1914-1945) doit être élargi : outre les deux guerres industrielles, totales et mondiales ; outre les effondrements sociaux qui conduisirent aux totalitarismes ; outre les deux crimes contre l’Humanité que la « modernité » aura inventé (Auschwitz-Birkenau et Hiroshima-Nagasaki), ce concept doit aussi comprendre les massacres à caractère génocidaire des Ukrainiens (1933) et des Arméniens (1915) afin d’en compléter la tragique signification.
L’Holodomor, crime de masse ou génocide ?
L’organisation de la famine ukrainienne en 1933 fut-elle un génocide au sens de la Convention de l’ONU de 1948 ? En tous cas, elle répond à plusieurs éléments de cette définition. Tout d’abord, Moscou a « soumis de manière intentionnelle un groupe à des conditions de vie devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». La poursuite des collectes forcées en dépit de leurs conséquences dramatiques connues de l’appareil stalinien et le refus de laisser les paysans ukrainiens fuir la famine en sont autant de preuves. « Au moment où s’imposaient des mesures favorables aux affamés, ceux qui avaient provoqué la famine, au contraire, l’entretinrent et l’aggravèrent » [26]. Deuxièmement, avec 3,9 millions de morts, il y a bien eu une « atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale du groupe ». Enfin, si « des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » n’ont pas été mises en œuvre volontairement, le déficit des naissances suite à cette hécatombe fut indéniable [27].
Pour Raphael Lemkin, (1900-1959) célèbre juriste qui a créé en 1944 le terme de génocide, ensuite repris et défini par les Nations-Unies, « l’attaque contre l’intelligentsia, les élites et l’église ukrainienne, la fragmentation du « peuple » ukrainien et la famine intentionnellement organisée pour décimer les paysans constituent un cas de génocide : il s’agit non seulement de millions de personnes qui ont été affamées à mort, mais aussi de la destruction d’une culture, d’une nation, afin de fondre définitivement l’Ukraine dans la fédération soviétique » [sans oublier de s’approprier au passage ses richesses]. Si l’intentionnalité et le ciblage d’un groupe sont bien présents, malheureusement, sous la pression de l’Urss dans l’assemblée des Nations-Unies après-guerre, les groupes sociaux (la paysannerie en l’occurrence) ou politiques furent exclus du champ d’application du crime de génocide [28]. On ne peut s’empêcher de penser à ce propos que les alliés s’exclurent eux-mêmes de la possibilité d’être poursuivis pour Crime contre l’Humanité dès les débuts de son élaboration à Londres le 8 août 1945 et c’est ainsi que le nucléaire n’est toujours pas reconnu comme un tel crime [29].
La question du « groupe » visé est-elle décisive ?
Selon la convention de 1948, un génocide a pour objectif de « détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». La grande famine visait-elle les paysans (un groupe social) ou bien les Ukrainiens en tant que groupe national ? Dans le second cas, la qualification de génocide serait juridiquement indiscutable. Or, la répression contre les paysans ne peut être dissociée de celle qui frappa l’Ukraine en tant que nation car ils constituaient alors près de 80 % de la population [30] ! Par ailleurs, les autres régions touchées par la famine au même moment abritaient de fortes proportions d’ukrainiens, en particulier dans le Kouban et la vallée du Don.
De plus, non seulement une vague de répression frappa l’Eglise ukrainienne, l’intelligentsia, les artistes dès 1929, mais le Parti communiste d’Ukraine a également subi une purge pendant la grande famine : Staline accusait les anciens partisans du leader nationaliste Simon Petlioura, « masqués par la carte du Parti », d’être à l’origine des actes de « sabotage ». En fait, tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se revendiquaient ou étaient assignés à l’Ukrainéité sous quelque forme que ce soit, furent visés par cette tentative de destruction systémique.
D’un côté il y eût donc la déportation massive d’Ukrainiens remplacés par des russophones (1,2 millions en 1922, 6 millions en 1939 [31]), la destruction des symboles de la culture ukrainienne, une « épuration » des élites, et de l’autre le terrible massacre d’un groupe social qui représentait près de 80 % de la population du Pays. Et même s’il s’est agi de faire mourir des civils pour ne « détruire que partiellement une collectivité afin de soumettre totalement ce qu’il en restera » [32], il n’empêche que les qualificatifs politiques utilisés par les staliniens pour déshumaniser les Ukrainiens et le fait qu’ils aient été les principales victimes dans d’autres territoires de l’Urss au même moment, la pérennisation de cette soumission par des rapports de type coloniaux, nous amènent à la proposition qui suit.
Sur les plans historique, philosophique et politique, nos devons considérer, à minima, qu’il s’agit bien d’un massacre de masse à caractère génocidaire organisé contre la population ukrainienne dans son ensemble. Et d’ailleurs, remettons les choses en place : initialement, la notion de génocide est elle-même empreinte du sceau politique puisqu’elle résulte d’un rapport de forces entre les États dans le contexte particulier de l’après-guerre où elle fut définie et adoptée.
Peut-on se représenter les séquelles de l’Holodomor ?
Dans sa préface aux Lettres de Kharkov, Andrea Graziosi [33] pose la question suivante : « Quelles modifications dans la psychologie collective a provoquées la mort de tant d’enfants, d’épouses, de pères, de maris, de proches, d’amis ? » Pour tenter de répondre à cette question, il vient immédiatement à l’esprit ce que dirent les historiens Antoine Prost, Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau des conséquences de la première guerre mondiale, industrielle et totale dans ce pays-ci qui comptait à l’époque à près le même nombre d’habitants que l’Ukraine en 1933. Ils ont fait remarquer que l’ampleur du trauma fut telle que deux-tiers à trois quarts des familles françaises avaient été atteintes par le décès d’un proche et que trente mille villages, soit plus de 80 % d’entre eux, érigèrent un monument à la mémoire des un million et quatre cent mille morts « tombés au champ d’honneur ». Ce fut en quelque sorte une prise en charge nationale (on pense aux cérémonies grandiloquentes qui eurent lieu jusqu’en 1922 sur les Champs Élysées, de la Concorde à l’Arc de Triomphe) et municipale du deuil, c’est à dire au plus proche des habitants.
Or, il y eut en Ukraine presque trois fois plus de victimes en quatre fois moins de temps – c’est dire la violence du choc social – un choc qui de surcroît ne pouvait être rangé dans la catégorie de « la guerre de défense vis-à-vis d’un envahisseur ». Pour les victimes et leur entourage n’y avait donc pas de référence possible à des représentations conscientes ou inconscientes « socialement connues ou acceptables ». Comme en 1933 quatre cinquième des ukrainiens étaient des ruraux et que les personnes moururent sans distinction d’âge ni de sexe, nous pouvons avancer que c’est une proportion de la population identique à celle de la France en guerre qui fût touchée, mais avec « moins de possibilités d’en faire ou d’en accepter le deuil ».
En effet, comme nous l’avons déjà fait remarquer par ailleurs, toute « déclaration de guerre » d’un état ou d’un gouvernement consiste à « prendre sur lui » la transgression de l’interdit du meurtre, pour peu qu’il soit commis sur ordre, sous l’uniforme et « pour la défense du pays ». Non seulement il n’y eut rien de tout cela en Ukraine, mais, de plus, ce sont des « civils » – notamment baptisés « commissaires du peuple », russes ou autochtones, parfois connus dans le voisinage – qui en furent les exécutants, ce qui n’a pu manquer d’en obscurcir les motivations aux yeux des victimes. En outre, beaucoup d’enfants périrent dans l’organisation de cette famine et l’on sait que le deuil d’un enfant mort est impossible, ce qui s’est ajouté aux chocs post-traumatiques comme nous les appelons aujourd’hui. Encore n’avons-nous pas évoqué la perte des biens, des habitats et les déportations par la force…
Enfin, comme sur les champs de bataille ici, il ne fut pas possible de donner une sépulture aux défunts là-bas (qui furent jetés pêle-mêle dans 857 fosses communes [34]) mais, régression anthropologique encore plus terrible, le cannibalisme refît surface, parfois même au sein des familles. Les chocs subis par les Ukrainiens en 1933 peuvent donc légitimement être comparés à ceux de la première guerre mondiale ici même. Or, non seulement aucune mémoire n’est venue en entretenir la flamme, mais au contraire, elle fut maquillée et proscrite par le stalinisme soviétique et post-soviétique : l’utilisation du mot « famine » pour parler de ce qui était advenu en 1932-1933 fut interdite jusqu’en 1987 [35] et même en Ukraine, il fut impossible d’organiser un procès en 2010, sous la mandature de Yanoukovitch (qui s’exilera en Russie en 2014), afin de ne pas déplaire à Poutine, alors qu’une instruction avait réuni 330 volumes de documents et témoignages.
Le caractère et l’étendue des crimes dépassaient tous les critères de l’entendement.
Un impact persistant sur la société ukrainienne et ses communautés ?
À ce sujet, il est au minimum nécessaire de remarquer que d’autres traumatismes ont affecté le « peuple » ukrainien : la révolte des paysans et des ouvriers, d’inspiration anarchiste (1918-1921), dite Makhnovtchina, qui fut matée par l’armée rouge [36], la Terreur stalinienne des années 1937-1938, la seconde guerre mondiale et une autre famine en 1946-1947, sont venus renforcer les refoulements, d’autant qu’il ne suffisait plus de croire en l’avenir radieux promis par le « petit père des peuples », mais qu’il était fortement conseillé d’ânonner que « la vie est devenue meilleure, la vie est devenue plus gaie », tout en détournant le regard des fosses communes où avaient été jetés les cadavres de ses proches morts de faim. Étant elles-mêmes nées en plein stalinisme, les seconde et troisième générations n’ont pu soulever la chape de plomb qui recouvrait ces horreurs, d’autant que la russification forcée de certaines régions est également venue s’y opposer. Tout cela peut permettre de comprendre les difficultés que le « peuple » ukrainien a rencontrées au xxe siècle dans la voie de sa constitution en tant que tel. Par contre, nul doute que la gangrène généralisée du système soviétique et son effondrement final doivent beaucoup aux dénis de tous les crimes de masse, au Goulag, aux génocides et à leurs conséquences de tous ordres commis dans l’ensemble de l’Urss, y compris dans l’Ukraine de l’époque.
Jean-Marc Royer, début sept. 2023
Bibliographie succincte
– Robert Conquest, Sanglantes moissons, Paris, Robert Laffont, Paris, 1995.
– Iryna Dmytrychyn (dir.), La grande famine en Ukraine. Holodomor. Connaissance et reconnaissance, Paris, l’Harmattan, 2016.
– Andrea Graziosi (avec la collaboration d’Iryna Dmytrychyn), Lettres de Kharkov, La famine en Ukraine 1932-1933, Paris, Les éditions Noir sur Blanc, 2013.
– Andréa Graziosi, « Les famines soviétiques de 1931-1933 et l’Holodomor ukrainien. Une nouvelle interprétation est-elle possible et quelles en seraient les conséquences ? », Cahiers du monde russe, 46/3, 2005.
– Dolot Miron, Les Affamés. L’Holocauste masqué, Ukraine 1929-1933, Paris, Ramsay, 1986.
– Georges Sokoloff, 1933 : l’Année noire. Témoignages sur la famine en Ukraine, Paris, Albin Michel, 2000.
– Nicolas Werth, « Le pouvoir soviétique et la paysannerie dans les rapports de la police politique (1930–1934), dossier paru dans le Bulletin de l’IHTP, no 81-82, décembre 2003.
– Nicolas Werth, A. Berelovitch, L’État soviétique contre les paysans : rapport secrets de la police politique (Tcheka, GPU, NKVD) 1918-1939, Paris Tallandier, 2011.
– Nicolas Werth, Les grandes famines soviétiques, Paris, PUF, 2020.
– Nicolas Werth, Poutine historien en chef, Paris, Gallimard, 2022.
– Laurence Woisard, « La notion de crime de génocide à partir de la famine de 1932-1933 en Ukraine », L’Intranquille, n° 2-3, 1994
– Laurence Woisard, « La notion de génocide à partir de la famine de 1932-1933 subie par les ukrainiens » in Catherine Coquio (dir.), Parler des camps, penser les génocides, Paris, Albin Michel, 1999, p. 237.
– Revue l’Intranquille, n°2-3, 1994, Dossier : La grande Famine de 1932-1933.
Annexe 1 : Orwell, seize ans avant la lettre
– Dans les années 1970, on s’étonnait de l’usage du mensonge qui s’avérait être répandu à un niveau inouï dans la sphère bureaucratique de l’Urss. Nous n’avions pas encore compris à quel point la peur et la corruption générale faisaient bon ménage depuis des décennies.
– L’Holodomor repoussa encore les limites de la violence d’État et ouvrit la voie à la grande Terreur de 1937-1938 avec ses quotas d’exécution secrets attribués à chaque région.
– La chosification des individus fondée sur leur utilité socio-économique – « l’homme, c’est le capital le plus précieux » comme le disait Staline – débouchera sur l’envoi, en prison, en camp de travail ou au Goulag, de dizaines de millions de personnes dont beaucoup ne reviendront pas.
– L’Etat-parti soviétique a renoué avec le despotisme et l’impérialisme du régime précédent.
Annexe 2 : Chronique de la mort annoncée du cuisinier (tombé de son siège)
Samedi 23 aout 2023 à 19h15, la chaîne Telegram « Grey Zone », proche de Wagner, écrit : « L’avion d’affaires Embraer Legacy 600, immatriculé RA-02795, qui appartenait à Evgueni Prigojine, a été abattu par les tirs de la défense aérienne du ministère russe de la Défense, dans le district de Bologovsky, région de Tver ».
Selon le ministère russe des « Situations d’urgence », l’Embraer de Prigojine s’est écrasé près du village de Kujenkino, à 180 Km au nord-ouest de Moscou., ce que confirme le site Flightradar24.
20h, l’agence de presse RIA Novosti rapporte que les corps ont été retrouvés dans l’épave de l’avion.
21h37, la Télévision russe Tsargrad : « Les corps d’Evgueni Prigojine et de Dmitri Outkine ont été identifiés parmi les débris de l’avion ».
21h40, Wagner confirme la mort de Prigozhin.
Après la mutinerie du 23 juin, le groupe Wagner avait dû rendre une partie de son armement lourd à l’armée tandis que ses combattants furent, pour la plupart, invités à rejoindre la Biélorussie, l’Afrique, l’armée russe ou leurs domiciles… Depuis, une campagne d’isolement et de discrédit avait été rondement menée, de manière à ce que cette disparition n’entraîne pas trop de remous parmi les ultras. De plus, après le décret récemment signé par Poutine selon lequel tous les membres de milices privées devraient dorénavant prêter un serment de fidélité absolue à la Russie, ce 42e « décès suspect d’hommes d’affaires russes depuis janvier 2022 » comme le dit prudemment Wikipédia, sonne comme un avertissement à ceux qui auraient des velléités similaires à celles du défunt cuisinier.
Lire à ce sujet les « Carnets de guerre » #9 (Le cuisinier, un voleur infâme et ses diamants) et #10 (Mercenariat de détenus contre armée corrompue).
[1] Nom donné à l’organisation stalinienne de la grande famine de 1933 en Ukraine. L’étymologie du terme Holodomor en ukrainien (holod, la faim et mor, épuiser) indique l’intention de tuer par la faim. Ce « Carnet de guerre », même s’il s’en écarte de plusieurs points de vue, est amplement redevable aux travaux d’Andrea Graziosi, Nicolas Werth, et Laurence Woisard dont les ouvrages sont cités par la suite ou en bibliographie. Merci une fois de plus à Bernard F. et Gary L. pour leurs relectures et suggestions.
[2] Certes, ce substantif doit être utilisé avec précaution et sans doute de manière temporaire car il renvoie à une réalité largement tributaire des épreuves traversées qui contribuent ainsi à le rassembler ou à le défaire. Sans parler de son utilisation politicienne généralement anhistorique et inter-classiste. Mais c’est à la suite des dix premiers « carnets de guerre » et surtout de celui-ci – qui propose une plongée dans une partie tragique de sa longue histoire – que nous nous autorisons à l’employer, du moins jusqu’à l’éviction des armées qui se livrent à tant de crimes, de toutes sortes, sur son territoire.
[3] Ce terme désignait, de façon péjorative, dans l’Empire russe, un fermier possédant de la terre, du bétail, des outils et faisant travailler des ouvriers agricoles salariés. Avec l’avènement du stalinisme, le terme est devenu synonyme « d’exploiteur » et « d’ennemi du peuple » et son sens a été élargi à tout paysan possédant une vache ou des volailles…
[4] Sheila Fitzpatrick, Le Stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 1930, Paris, Flammarion, 2002, p. 75.
[5] Le mineur Stakhanov qui en était originaire servit de modèle au « travailleur socialiste productif sans relâche »…
[6] Référence au roman de Soljenitsyne, Le Premier Cercle, Paris, Robert Laffont, 1968 et Fayard, 1982 (version complète).
[7] Stalin-Kaganovitch : Perepiska (Staline-Kaganovitch : correspondance), Moscou, Rosspen, 2001, p. 179-180.
[8] Aussi nommée GPU ou Oguépéou : puissante police politique de l’État soviétique créée 1922 et qui traversa les décennies sous divers appellations.
[9] Organisation de jeunesse du PCUS.
[10] Alexander Wienerberger était un ingénieur chimiste d’origine autrichienne capturé par les russes en 1915 qui eût une vie mouvementée. Sa centaine de photographies sur la famine à Kharkiv où il travaillait (et dans sa région), passèrent la frontière dans la valise diplomatique autrichienne.
[11] Stanislav Koultchytsky, « Le Holodomor 1932-1933 : comment et pourquoi ? », in Iryna Dmytrychyn (dir.), La grande famine en Ukraine. Holodomor. Connaissance et reconnaissance, Paris, l’Harmattan, 2016, p. 40 et 41. Laurence Woisard in Parler des camps, penser les génocides, p. 243 (Cf. bibliographie), écrit que « l’Histoire montre assez que Staline voulait, à travers la famine, donner un coup final à la nation ukrainienne »
[12] Nicolas Werth, Les grandes famines soviétiques, Paris, PUF, 2020.
[13] Cf. Nicolas Werth, « Retour sur la grande famine de 1932-19333 », in Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2014/1 (N° 121), Presses de Sciences po.
[14] Au moins huit dépêches diplomatiques différentes, toutes datées de 1933, relatent des cas de cannibalisme dans les lettres de diplomates italiens en poste en Urss à ce moment-là. Andrea Graziosi (textes réunis et présentés par), avec la collaboration d’Iryna Dmytrychyn, Lettres de Kharkov, La famine en Ukraine 1932-1933, Paris, Les éditions Noir sur Blanc, 2013.
[15] Cf. plus haut pour leur composition. Cité par Nicolas Werth in Les grades famines soviétiques, Paris, PUF, 2020, p. 102.
[16] Ce chiffre fait maintenant consensus, cf. Robert Davies et Stephen Wheatcroft, The Years of Hunger, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2004. En outre, de nombreux « survivants de la famine » dont l’organisme était considérablement affaibli, moururent avant 1938. En outre, de nombreuses jeunes Ukrainiennes en âges de procréer vont devenir stériles, suites aux privations et à leur forte maigreur.
[17] Le chiffre d’affaires des « magasins pour étrangers » où tout se revend en ville, passe de 5 à 107 millions de roubles-or entre 1931 et 1933.
[18] La famine de 1932-1933 en Ukraine à travers les yeux des historiens, dans la langue des documents (248). Institut d’histoire du parti communiste d’Ukraine, 1990. https://web.archive.org/web/20170915002631/http://www.archives.gov.ua/Sections/Famine/Publicat/Fam-Pyrig-1933.php#nom-187
[19] Organisation non gouvernementale russe de défense des droits de l’homme et de préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique, dissoute par Poutine en décembre 2021.
[20] Il n’en reste pas moins que la Pologne (1939-1956), les Etats Baltes (1940-1991), la Bessarabie et la Bucovine du nord (1940), la Hongrie (1956), la Tchécoslovaquie (1968) et l’Afghanistan (1968-1989) auront à subir des invasions militaires soviétiques..
[21] Andrea Graziosi, introduction aux Lettres de Kharkov, op. cit., p. 55.
[22] Notamment ceux rassemblés par la communauté Ukrainienne du Canada et des États-unis, in The Black Deeds of the Kremlin : A White Book, vol. 2 : The Great Famine in Ukraine in 1932-1933, Détroit, Globe Press/Dobrus, 1955.
[23] Cf. Nicolas Werth, « Retour sur la grande famine de 1932-19333 », opus cité.
[24] Robert Paxton, La France de Vichy, Paris, Le Seuil, 1973.
[25] Robert Conquest, Sanglantes moissons, Paris, Robert Laffont, Paris, 1995.
[26] Laurence Woisard, « La notion de crime de génocide à partir de la famine de 1932-1933 en Ukraine », L’Intranquille, n° 2-3, 1994, p. 496.
[27] Andrea Graziosi, opus cité. Voir également la note 15.
[28] Nicolas Werth, Les grandes famines, opus cité, p.120 et 121.
[29] Cf. à ce propos, Jean-Marc Royer, Le Monde comme projet Manhattan, Lyon, Le Passager clandestin, 2017.
[30] Robert Conquest, op. cit ; James Macé, « Famine and Nationalism in Soviet Ukraine », Problems of Communism, Washington DC, mai-juin 1984 ; Étienne Thévenin, « La famine de 1932-1933 en Ukraine », in Catherine Coquio (dir.), Penser les camps, penser les génocides, Albin Michel, Paris, 1999.
[31] Étienne Thévenin, op. cit., p. 234.
[32] Jacques Sémelin, « Du massacre au processus génocidaire », in Revue internationale des sciences sociales 2002/4 (n° 174), éd. Érès.
[33] Opus déjà cité, p.48.
[34] Article de Valentyna Telytchenko, « Les aspects juridiques de reconnaissance du Holodomor comme génocide, en Ukraine et sur la scène internationale », in Iryna Dmytrychyn (dir.), La grande famine en Ukraine. Holodomor. Connaissance et reconnaissance, Opus déjà cité, p. 88.
[35] Stanislav Koultchytsky, « Le Holodomor 1932-1933 : comment et pourquoi ? », art. déjà cité, p.47.
[36] À la suite de la signature du traité de Brest-Litovsk qui livrait le pays aux armées austro-allemandes, cette insurrection, dirigée par Nestor Makhno, combattit avec succès les nationalistes de Petlioura ainsi que les armées blanches de Denikine et Wrangel. L’Armée rouge, qui avait d’abord passé des alliances tactiques temporaires avec Makhno, s’est ensuite retournée contre cette révolution armée. À la fin de 1920, les officiers makhnovistes de Crimée, invités à un Conseil militaire, y furent arrêtés ou fusillés par la Tchéka (ancêtre du KGB). En août 1921, après plusieurs mois de combats acharnés, les derniers partisans furent obligés de quitter l’Ukraine et Makhno mourut en exil à Paris en juillet 1935.