Fin d’une "Défense Intérieure"
Après l’échec des tentatives de guérillas armées menées par Sabaté ou Facerías [1], des jeunes ayant grandi dans l’exil, aidés par des vétérans, cherchaient un nouveau cadre pour le Mouvement Libertaire pour renforcer la création de groupes dans la Péninsule, et privilégier l’action directe contre l’État fasciste. Ce cadre sera la "Défense Intérieure", un organisme soutenu par la CNT en 1961, et destiné à mener des actions armée en vue de réactiver le sens et le rôle prépondérant de l’action libertaire. Des membres des Jeunesses Libertaires et des vétérans, de la trempe de García Oliver [2] ou de Cipriano Mera [3] s’investiront dans la "DI".
Mais alors qu’elle se monte, la "Défense Intérieure" sera sabotée méthodiquement par la direction cénétiste du Mouvement Libertaire, entre les mains de personnages comme le funeste couple : Germinal Esgleas [4] et Federica Montseny, qui œuvre pour une normalisation totale de la CNT. Défaite par l’ "esgléisme" [5] la DI "patientera" pendant 10 ans en attendant que la mort – naturelle – du Caudillo mette fin à son exil "organique". Elle aussi "en attente", la CNT se mettra en retrait d’un syndicalisme réel.
L’héritage de la CNT espagnole aura donc été dilapidé par quelques dogmatiques puristes, préoccupés par leur opposition à la construction d’une CNT de combat.
Amère victoire des "esgleistes"
Si le livre de Salvador Gurucharri [6] et Tomás Ibáñez [7] se borne aux années 60, en décrivant, avec force documents et références les heures sombres de la CNT espagnole en exil (y compris les groupes et leaders de Bordeaux, Marseille, Toulouse et celui, très influent de Paris), il permet d’éclairer les années noires qui vont suivre, mais cette fois du côté de sa petite sœur, la CNT française.
Après sa création en 1946, celle-ci va connaître un rapide déclin suivi d’une quasi disparition dans les années cinquante et soixante et il faudra attendre mai 1968 [8] pour que la CNT reprenne quelques couleurs et de la vigueur dans quelques grandes villes de France comme Toulouse, Bordeaux, Marseille ou à Paris.
Si le mouvement du "retour à la terre" des années 71-73 marqua une nouvelle pause dans la vie du syndicat, c’est à la fin des années 80 et 90 qu’elle se développera et trouvera son apogée dans les années 95-2000.
Il aura donc fallu environ 30 ans pour qu’elle retombe dans ses vieux démons et qu’on constate que, bien que morts, Federica Montseny et Germinal Esgleas avaient eu le temps de "faire des émules" et qu’un nouveau clan s’était recomposé, prônant à son tour un syndicalisme "pur et dur" avec son cortège de "certifications" ou de mises au ban. La CNT devra-elle attendre cette fois-ci la mort naturelle du capitalisme pour mettre fin au combat syndicaliste ?
Personne ne peut souhaiter un tel cas de figure…