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Pierre Schoendoerffer, Russ Meyer. L’Armée comme école de cinéma ?
mercredi 25 avril 2012, par
Des mercenaires dans la jungle du sud-est asiatique, des hommages émus à la vision des couleurs nationales, des plans interminables sur la cuvette de Diên Biên Phù ou des appels colonialistes : le cinéaste Pierre Schoendoerffer, mort en mars 2012, racontait sa vie comme sur de grands champs de batailles.
Des bouseux crottés dans l’Amérique profonde, des nymphomanes aux seins comme des obus, des scènes loufoques, des courses effrénées dans les champs et de l’humour juif : Russ Meyer, mort en 2004, voyait la vie comme des shows erotico-burlesques.
Deux “figures” du cinéma des armées…
Russ Meyer est incorporé en 1942 dans une unité d’actualités filmées de l’US Army. Sa compagnie placée sous le commandement du général Patton, accoste sur les côtes françaises à Omaha Beach en Normandie le 6 juin 1944. Il filme le débarquement de la IIIème armée américaine.
En août 1944 à Paris, Ernest Hemingway l’emmène avec lui dans une maison close de Rambouillet. Il va y connaître sa première expérience sexuelle.
Après la libération de Paris, il fonce vers l’Est, participe à la Bataille des Ardennes, pénètre en Allemagne en février 1945, photographie les camps de concentration avant d’atteindre la Tchécoslovaquie.
Après avoir passé plusieurs mois comme matelot sur un caboteur suédois, Pierre Schoendoerffer s’engage dans le Service Cinématographique des Armées et débarque à Saïgon en 1952. Volontaire pour les grosses opérations, il se fait parachuter plusieurs fois au camp retranché de Nasan où des combats très durs se poursuivent. Enfin, il participe à la bataille de Diên Biên Phù où il est fait prisonnier. Le Colonel Langlais dira de lui “il tenait sa caméra comme une mitraillette“.
… mais la démobilisation ne produit ni les mêmes effets…
Libéré et démobilisé, Pierre Schoendoerffer décide de rester au Viêt-nam comme grand reporter avant de se livrer en Malaisie à de nombreux reportages photographiques pour le compte des Américains qui paraissent dans « Look » et « Life ».
Démobilisé, Russ Meyer revient chez lui à Oakland. En 1946, il entre dans une société de productions de films industriels et approfondit ses connaissances du « show burlesque ». Il prend des photos d’une jeune femme, Eve, qui devient bientôt son modèle favori puis sa petite amie et enfin sa femme. En 1955, deux ans après la création du magazine Playboy, la Playmate du mois de juin est une certaine Eve Meyer photographiée par son mari.
… ni le même cinéma :
À l’écran, la flamboyance de Russ Meyer à comme titres : Faster, Pussycat ! Kill ! Kill !, Cherry, Harry and Raquel, SuperVixens, MegaVixens (Up !), UltraVixens (Beneath the Valley of the Ultravixens) ou encore Who Killed Bambi ?. Avec sa façon folle de délirer, le cinéma n’est pour lui qu’une mise à sac des clichés de la série B hollywoodienne.
À l’écran, l’austérité protestante de Pierre Schoendoerffer à comme titres : La 317° Section et la Section Anderson , le Crabe-Tambour, l’Honneur d’un capitaine ou Diên Biên Phu. Ce n’est qu’un enchainement de retours sur la “tragédie de la guerre d’Indochine” et de son épopée, sur les officiers « perdus » des guerres coloniales ou la réhabilitation de quelques uns de leurs tortionnaires.
Bref, si vous aimez la vie, l’humour et la dérision, procurez-vous les films de Meyer. Le seul soldat qu’on y trouve est un certain “Martin Bormann” [1], qui fait des apparitions fugaces ou cocasses, entre deux scènes de sexualité rurale… [2].
En 2008, Quentin Tarantino projetait de réaliser un remake de "Faster pussycat kill kill"… de Russ Meyer.
[1] Haut dignitaire nazi qui, en 1941, signe un décret pour "l’élimination permanente des Juifs des territoires de la Grande Allemagne [qui] ne peut plus être réalisée par l’émigration mais par l’utilisation de la force implacable dans les camps de l’Est". Absent au tribunal de Nüremberg, il aurait rejoint l’Argentine, grâce au réseau ODESSA.
[2] Symbole de l’autodérision de l’humour juif, que l’on peut également retrouver dans les films de Mel Brooks dont « Les Producteurs » qui raconte l’histoire d’organisateurs de spectacles véreux de Broadway qui montent une comédie musicale désastreuse : "Le printemps d’Hitler" et s’assurent que l’échec du spectacle leur rapportera la fortune. Mais prise au second degré par les spectateurs, la pièce remporte un vif succès !