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Pédagogie et révolution. Grégory Chambat

Questions de classe et (re)lectures pédagogiques

jeudi 25 octobre 2012, par Frank

Des présentations fouillées, claires et brèves de pédagogues, en partie parues dans la revue N’Autre école. Un livre indispensable.

La qualité du livre est de traiter à la fois de nos sources indispensables (Francisco Ferrer, Janus Korczak, Célestin Freinet et Paulo Freire et aussi Ivan Illich) et des pédagogues au sens large comme Bourdieu et Rancière.

Et Grégory Chambat de nous rappeler ce jugement de l’école de Jules Ferry : Les instituteurs laïques ont suppléé les ecclésiastiques, mais l’esprit déiste n’en a pas moins subsisté, soit dans les livres consacrés à la jeunesse, soit dans la bouche des instituteurs. Les rois y sont également portés sur le pavois du triomphe et des chants d’allégresse accompagnent de même leurs exploits belliqueux, préparant ainsi les jeunes cervelles à l’enthousiasme national et à l’esprit de conquête, qui peuvent être funestes aux destinées d’un pays. La patrie est placée au-dessus de tout : au-dessus de la justice, au-dessus de la fraternité, au-dessus de l’humanité. La charité y est prônée aux places et lieu de la solidarité réciproque. L’obéissance aveugle, passive, l’automatisme de la brute y sont recommandés ; le respect aux forts et à leur puissance immuable ; la résignation aux infortunés : voilà camarades, de quel enseignement on obsède les jeunes têtes de nos enfants. Étonnons-nous ensuite si, après trente années de République, on est contraint de lutter contre le chauvinisme, contre le retour aux guerres de religion, que l’on croyait à jamais éteints (p. 44, Délégué de la Bourse de Nîmes, VIIe Congrès des Bourses du travail de France et des colonies, Paris, 5-8 septembre 1900).

Albert Thierry, un bel exemple du « refus de parvenir ». Digression, en classe de seconde au lycée de Dourdan (91) vers 1970-1972, en cours de castillan, à propos des grandes propriétés rurales (latifundia) dans presque la moitié de l’Espagne, une élève (de parents émigrés portugais) dit « Les riches le sont parce qu’ils ont volé les pauvres » et explique que c’est une phrase-dicton de sa famille. C’est sûrement l’impression que le fils de maçon, Albert Thierry, sorti premier de l’école normal supérieur de Saint-Cloud a dû ressentir au milieu de ses condisciples et le « refus de parvenir » est simultanément la nausée de côtoyer des individus qu’on sent ou qu’on sait proches des xénophobes et des bourreaux de la soldatesque et aux membres de diverses police et milices plus ou moins officielles. Et ces complices en paroles des mensonges du PCF sur « la liberté, l’égalité et la fraternité en URSS [et ses colonies] » qu’Albert Thierry a dû aussi supporter.

C’est pourquoi, dans cette société verrouillée, l’illusion d’une révolution
pédagogique est à dénoncer sans ménagement « L’éducation intégrale est dans l’État bourgeois impossible et criminelle » (p. 73).

Et puis, j’aime beaucoup l’interprétation de l’auteur t à propos de Francisco Ferrer Guardia : la conviction de l’indispensable convergence entre le combat social/syndical et le combat pédagogique. Quasiment une règle de vie qui ne se limite pas à des postures ou des incantations (p. 89).

Frank


Ed Libertalia, 2011, 207 p. Préface de Charlotte Nordmann.