(source : internetactu)
C’est le constat que dressait avant lui Jeremy Rifkins dans L’âge de l’accès ou qu’il évoque dans son nouveau livre La troisième révolution industrielle. C’est celui de Brian Arthur dans“la deuxième économie”. C’est également celui d’Erik Brynjolfsson, directeur du Centre pour les affaires numériques de la Sloan School of Management du MIT, et d’Andrew McAfee dans Race Against the Machine : How the Digital Revolution Is Accele ! rating Innovation, Driving Productivity, and Irreversibly Tran ! sforming Employment and the Economy (La course contre la machine : comment la révolution numérique accélère l’innovation, dirige la productivité et irréversiblement transforme l’emploi et l’économie) ou encore des économistes David Autor et David Dorn dans un article intitulé “The Growth of Low Skill Service Jobs and the Polarization of the U.S. Labor Market” (La croissance des emplois de services peu qualifiés et la polarisation du marché du travail américain). Alors que la croissance économique s’accélère, la croissance des emplois ne suit pas le même rythme, tant s’en faut, explique David Talbot pour la Technology Review (voir également cet autre article intitulé “L’évolution tectonique de l’emploi”).
“Bien sûr, certains aspects de l’iPhone sont uniquement américains. Le logiciel de l’appareil, par exemple ou ses campagnes marketing innovantes ont été largement créé aux États-Unis. Apple a récemment construit un centre de données de 500 millions de dollars en Caroline du Nord. Les semi-conducteurs de l’iPhone 4 et 4S sont fabriqués à Austin, au Texas, par la société de Corée du Sud Samsung. Mais ces installations ne sont pas d’énormes sources d’emplois. Le centre d’Apple en Caroline du Nord par exemple dispose seulement de 100 employés à temps plein. L’usine de Samsung embauche 2400 personnes.”
La conception logicielle et marketing pour des appareils produits à des millions d’exemplaires nécessite des investissements bien moins importants que la production et au final produit bien moins d’emplois que les processus de fabrication.
Robert Solow, prix Nobel d’économie 1987 pour ses recherches macroéconomiques sur la croissance (Wikipédia), affirme que les progrès technologiques ont toujours créé du chômage durant une période d’adaptation, mais jusqu’à présent, l’emploi a toujours fini par repartir à la hausse, suite à ces phases. Mais ce qu’expliquent Erik Brynjolfsson ou Brian Arthur, c’est qu’il pourrait ne plus en être ainsi à l’avenir. Les gains de productivité de l’économie numérique risquent de ne pas pouvoir se retrouver dans l’emploi. De 2000 à 2007, le produit intérieur brut et la productivité américains ont augmenté plus vite qu’ils ne l’avaient fait durant toutes les autres ! décennies depuis les années 60, alors que la croissance de l’emploi est restée relativement faible. En fait, expliquent ces auteurs, les progrès dans l’automatisation de travail liée à la robotisation et à la logicielisation des tâches, se déploient à un rythme si rapide, que les travailleurs ont du mal à s’adapter au changement.
La croissance de l’emploi est restée forte aux deux extrémités du marché : pour les postes les moins rémunérateurs (dans le domaine du service, du nettoyage, de la sécurité…) et pour les postes haut de gamme (techniciens, gestionnaires…). Pour les ouvriers, les responsables administratifs, employés de production ou les représentants de commerce, le marché du travail n’a pas augmenté aussi rapidement. Il a même parfois diminué. Depuis la récession, toutes les pertes d’emplois le sont dans des catégories de postes moyens, ceux qui sont le plus facilement remplaçables en partie ou totalement par la technologie. “Les emplois à faibles et hauts salaires ont progressé rapidement, tandis que les emplois intermédiaires – sur lesquels on compte pour soutenir une classe moyenne solide – sont restés à la traîne”, estime le prix Nobel d’économie Paul Krugman. L’automatisation logicielle et robotique a progressé au détriment des emplois de la classe moyenne… Et le développement de l’économie des services n’a pas compensé l’employabilité de l’économie de la production de biens.
Le développement de la technologie devrait permettre à ces employés sur le carreau d’inventer de nouvelles façons d’être productifs, comme le montrent ceux qui utilisent les dispositifs des nouvelles technologies pour créer leurs propres emplois… “Le problème, estime Brynjolfsson, est que beaucoup de ces gens déplacés ne sont pas suffisamment éduqués ou n’ont pas assez de connaissances en technologie pour exploiter ces progrès rapides et développer des niches entrepreneuriales insoupçonnées”. Pour Brynjolfsson et McAfee, pour résoudre ce paradoxe, il faudrait appliquer ces technologies qui transforment l’économie pour la rendre plus productive à l’actualisation et l’amélioration du système éducatif.
C’est là un tout autre défi et il n’est pas sûr qu’il permette un décollage de l’emploi équivalent à ceux qui ont été perdus.