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Le monarque, Victor Hugo et le bulletin météo

jeudi 22 août 2019, par AutreFutur, Contribution

"Quelques ondées sont encore à craindre" entend-on par la voix de la speakerine du bulletin météorologique lors des émissions matinales de France Inter, radio nationale, en début de semaine. Si les ondées, seules, sont "à craindre", alors le reste de l’actualité devra être très cool. La semaine précédente, la même nous prévenait : "Le soleil est en guerre avec la pluie" et son alter ego, présentateur des informations lui passait auparavant le micro en prévenant : "Pas très sexy la météo aujourd’hui !". Sur les mêmes ondes, l’hiver dernier : "Le froid embusqué à Strasbourg." Le climat, c’est la guerre. Le réchauffement climatique, une bonne inquiétude à la mode, mais en théorie seulement. Depuis Charles X, bourgeoisie et aristocratie recomposée ont progressivement imposé l’idée qu’il n’y aurait qu’une sorte de beau temps se situant au delà de 25° à l’ombre avec un ciel sans nuage. Certaines inventions comme le réfrigérateur ou même la télévision ont accentué cette conception de séparation de nos corps des conditions météorologiques en en rejetant toutes les variations (à l’exception de la neige utile pour confectionner des décors de Noël). Pas de bonne humeur sans beau fixe. Le beau temps est devenu le botox du mode de vie général. On ne vit plus avec le temps, on le craint ou on le maudit s’il ne correspond pas à l’image exacte. La moindre averse, le moindre refroidissement et c’est le début de l’apocalypse : la vigilance orange. Au printemps dernier, alors que la journée s’annonçait pluvieuse, un autre speaker radiophonique prévenait : "La journée va être déprimante". On peut gouverner tranquille. Ravageur idéal, le préjugé de beau temps a sinistrement triomphé de la raison humaine devenant l’allié principal de la déferlante touristique à l’objectif sournois s’appuyant en résumé sur ces termes souvent entendus : "Je me tue au travail toute l’année, ce n’est pas pour avoir un temps pourri en vacances". Si l’on vivait toute l’année, un mois d’averse serait autrement vécu. Du pain et des jeux remplacés par du bulletin météo. Pour un peu de sens libre, nous devrons bien réapprendre à nous conjuguer par tous les temps.

La restauration monarchique, l’empire et toutes les filiations bourgeoises se mettront en quête de transformation de villes et village sympathiques en casemates pour villégiature ensoleillée. Infernales et rentables. Biarritz est un cas typique. Modèle haut de gamme. Napoléon 1er aima s’y baigner en 1808 et Napoléon III opéra la transformation de cette charmante localité en capitale du "beau temps", faisant bâtir en 1854 un monumental palais attirant toutes les têtes couronnées d’Europe (dont Bismarck qui viendra faire un tour avant la Guerre de 1870 - ça donne une idée). Victor Hugo alertait dans le tome II de En voyage : "Rien n’est plus grand qu’un hameau de pêcheurs, plein des mœurs antiques et naïves, assis au bord de l’océan (...) Rien n’est plus petit, plus mesquin et plus ridicule qu’un faux Paris". Emmanuel Macron, qui en 2016 n’était pas encore monarque, passa ses vacances à Biarritz et, comme l’endroit lui plu, le choisi pour organiser son G7 du 24 au 26 août 2019, pas la réplique de la compagnie de taxis parisiens créée en 1905, mais l’arrogante réunion des 7 pays plus ou moins les plus riches de la planète pompeusement qualifiés de "démocratie". Depuis son élection relative le consacrant autocrate pour cinq années, il affiche son goût pour les demeures royales ou impériales : Versailles, où d’après lui "s’était réfugiée la république lorsqu’elle était en danger" - sale temps pour La Commune -, ou le château de Chambord qu’il occupe plus souvent que François Ier. Pour son groupe des sept, le petit souverain, à la perversité d’une imagination appauvrie, a donc convié à Biarritz ses copains ou rivaux (en la matière c’est la même chose) : Donald Trump, Boris Johnson, Giuseppe Conte, Justin Trudeau, Angela Merkel, Shinzo Abe, tous à la tête de pays dit "riches". Pas vraiment le cas d’une partie importante de leurs habitants. Ces métayers du monde sont tellement certains d’être aimés du peuple qu’il faut tout de même 13200 policiers et gendarmes pour les protéger. Les touristes sont priés de quitter les lieux et les habitants d’obtenir un laisser passer dans "la ville qui sera certainement l’endroit le mieux protégé de la planète" selon son maire Michel Venac. Il parait que "la lutte contre les inégalités" est un des thèmes centraux de cette réunion dans la ville impériale. On s’étouffe. Le 18 décembre, lors d’une manifestation en opposition à la tenue de ce G7 à Biarritz, une jeune femme est blessée par un tir de flash-ball (triple fracture de la mâchoire). Des interpellations préventives ont déjà eu lieu et 300 places en cellule sont déjà réservées pour les 4 prochains jours et 17 procureurs sont de service. "Police partout justice nulle part", toujours Victor Hugo.

L’escobarderie est énorme. Le beau temps pourrait faire place à l’orage. Toujours dans son tome II de En voyage, Victor Hugo s’interrogeait sur la remarque d’un bayonnais qui lui avait dit à son arrivée en gare, alors qu’il cherchait comment se rendre à Biarritz : "Monsieur, il est facile d’y aller, mais difficile d’en revenir."


Source : nato-glob.blogspot.com