Faut-il réécrire GERMINAL ?
En voilà une question bizarre ! Pour quelle raison obscure faudrait-il revisiter les œuvres écrites il y a plus d’un siècle, les transformer, les réajuster, les adapter à notre échelle, à notre siècle, à nos envies et nos idéaux ? La question que pose Pierre Aubéry (texte en document joint ) me laisse perplexe !
Écrit à l’aube des années soixante, son article pourrait à son tour nous paraître obsolète, puisque tout se dévalue, tombe en désuétude……………………… et pourtant non, à la réflexion il n’est pas si absurde que ça de se poser la question de l’honnêteté intellectuelle et des visées idéologiques de ce roman publié en 1885. On peut être emporté par la passion, tombé agréablement dans les panneaux des ressorts psychologiques et dramatiques qui font une bonne histoire et oublier les arrières pensées réactionnaires et bourgeoises de l’auteur ! Cela arrive à des gens très bien !
Dans l’œuvre de Zola, malgré toutes les difficultés de l’existence, en dépit des drames vécus par les héros malheureuses victimes d’un système économique et social implacable, tout finit, malgré tout par rentrer dans « l’ordre naturel des choses ».
Quelques exemples ? Dans « Au bonheur des dames » la petite vendeuse venue de sa province reculée à Paris pour chercher de l’emploi finit par épouser le patron des grands magasins décrit par Zola comme l’archétype du capitaliste implacable, inhumain qui tue littéralement et sans remord un quartier et ses habitants. Il déloge, rase, ruine, dévaste tout pour son œuvre commerciale expansionniste et pourtant il épousera la pauvre orpheline exploitée par le système qu’il a mis en place !
Pour la petite histoire, l’un des protagonistes « du camp des riches » s’appelle le baron Hartmann, il est président du Crédit Immobilier, c’est par lui que tout transite, c’est par lui que tout se décide et se transforme, l’architecture, la destruction des ruelles mal pavées, l’érection de nouveaux mastodontes commerciaux, le creusement de grandes travées et artères que nous connaissons aujourd’hui à Paris…. On pense tout de suite au baron Haussman et on n’a pas tort. A la réflexion, toute son œuvre est construite de façon schizophrénique : il n’a pas de mots assez durs pour décrire le sort des ouvriers, prostituées, familles pauvres etc………..mais qu’on ne s’y trompe pas, malgré ou à cause de leur malheur, les pauvres doivent rester dignes en toute circonstance et si tel n’est pas le cas, les personnages meurent par là où ils ont péché : l’alcool et la folie dans L’ASSOMOIR, la dépravation sexuelle et l’absence de sens moral dans NANA, la ruine et le suicide dûs à la spéculation financière et à l’avidité dans L’ARGENT, la non obéissance des règles sociales bourgeoises et religieuses établies dans LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET etc…………………….
Pour en revenir à GERMINAL. Les deux adaptations cinématographiques que je connais de GERMINAL , celle Yves Allègret (1963) et celle de Berry (1993) sont toutes deux des bombes aux multiples impacts. Claude Berry et Yves Allégret n’ont surement pas eu le même parcours politique et le film d’Allégret a été tourné « en décors naturels » en Hongrie. Personnellement je n’ai pas oublié comment Souvarine y est traité et dans les deux films encore, il a une sale gueule et ses mains sont fines et blanches, c’est l’intellectuel, celui qui refuse de jouer dans la cour du patron, il ne négocie pas ; c’est l’anarchiste de service dans toute sa caricature. Rien que cet élément-là doit nous alerter sur les visées politiques de Zola, il faut négocier et négocier encore……………. Et tout redevient « lisible »pour Zola. D’ailleurs Lantier ne fait que passer, après avoir « fait ses classes » dans les mines, il monte à Paris entamer une carrière de social-démocrate. Dont acte !
Sophie CNT Le Havre