Nous avons aussi eu la chance de voir ce film unique au sortir de son mixage. Impressions !
Immédiatement, on est frappé par le rapport nu, la puissance intime, entre les corps et le décor, frappé par les marques partagées, intermédiaires de poésie, qui dessinent à l’écran ces deux entités - équilibres premiers du cinéma -, corps et décors, ferments de réveil éclos au bord de l’abîme. La rue, la mer, le Nord, le studio Campus, sont des idées où pointe le déferlement de nos possibles contrariés par la lecture de nos impossibles.
Le titre, Don Pauvros de la Manche, affiche son plus-que-parfait, un combat de bâtis passés transitant en un temps présent vers l’ébauche d’un demain aussi provisoire que les images d’un film d’Ed Wood (aperçues à l’écran). Le guitariste séjourne dans le film sans se tourmenter de ses bords et débords, il y promène ses solitudes peuplées de brèves rencontres à l’accès vaste [1]. Chacune ouvre une brèche ; une forme d’engagement assumant ses vertus discontinues, ses combustions contradictoires. On pense à Monk (mais oui !). “Là où est la musique, il n’y a pas de place pour le mal” avait dit Cervantès via Don Quichotte et ailleurs dans le roman : “Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es.” Chez Pauvros, l’âpre son, sa violence, ne rêvent que chanson. La rumeur se propageant électriquement, le rock’n’roll et ses frappes auraient donc toujours voulu dire "tout instant est décisif". C’est filmé à la vitesse d’un crépuscule jouant la naissance du jour. Tendre vertige indispensable, on est au plus près de l’ingénieux hidalgo. Il est rare de percevoir à ce point les nécessités d’un musicien au cinéma.
Entre le souvenir d’une mélodie à reconstituer et la matière affolée qui ne dessine plus que les lambeaux d’un destin, Don Pauvros de la Manche, a quelque chose d’in extremis, impératif et précieux comme le sable du temps qui passe, comme s’il s’agissait d’un dernier témoignage de l’histoire par le cinéma.
nato